Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/549

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc pas connu depuis bien longtemps[1], et ne témoigne-t-il pas simplement des craintes qu’inspirait à Bernadotte la pensée d’une restauration générale en Europe, que pouvait seconder, en ce qui regardait la Suède, l’empereur de Russie, oncle du roi détrôné[2]? Est-il vraiment possible de supposer, comme on l’a fiait, qu’un traité quelconque donne au roi Oscar le droit ou seulement la pensée de faire venir quinze mille Russes à Stockholm pour étouffer une émeute? Et croit-on sérieusement, quelle que soit même l’interprétation véritable, que Bernadotte, après avoir fait une première fois, en face du cabinet de Saint-Pétersbourg, le saut périlleux, ait entendu imposer à ses descendans de le faire chacun à son tour sans profit, et pour la plus grande joie des Russes? Un des nombreux poètes qu’ont inspirés en Suède le bombardement de Svéaborg et la prise de Sébastopol maudissait l’autre jour « l’ombre couronnée qui tient le bâton de maréchal, et qui, debout encore sur les rochers de la Baltique, défend aux armées suédoises de reconquérir la Finlande. » Nous ne croyons guère à ces apparitions-là, et nous sommes d’avis en tout cas qu’elles ne tiendraient point, même dans l’esprit, du cabinet de Stockholm, si timoré qu’il puisse être, devant quelques bons argumens, comme ceux que nous pourra fournir, nous l’espérons, la seule histoire de la politique de 1812, de son origine et de ses conséquences.

Le récent volume de M. Bergman suffirait certainement à les conjurer. Nous ajouterons toutefois aux renseignemens qu’il donne ceux que nous out fournis les archives des affaires étrangères à Paris. Il y a là, dans les portefeuilles de 1812 et 1813, outre les dépêches diplomatiques, des notes, des lettres saisies aux postes, des documens de toute sorte par lesquels nous pourrons contrôler et compléter le volume de M. Bergman, riche surtout en détails curieux, en conversations fidèlement rapportées, en renseignemens tout personnels. Ce qui est des personnes, nous l’écarterons autant que possible, afin de ne pas confondre avec les documens vraiment historiques la chronique scandaleuse. Beaucoup des hommes d’état qui ont pris part à ce triste épisode de 1812 sont vivans encore; c’est le cas, en ce qui regarde la Suède, pour quelques-uns des plus illustres.

  1. Il se trouve tout au long dans l’Histoire de Charles XIV, par M. Touchard-Lafosse, tome II, p. 293.
  2. On a fait remarquer d’ailleurs avec raison que ce pacte de famille n’est qu’un appendice de l’acte du 30 août 1812, lequel n’est qu’une convention additionnelle du traité de Pétersbourg du 24 mars de la même année. Or ce dernier traité n’est conclu que pour huit armées, l’article 17 le dit formellement ; par conséquent l’article secret concernant le pacte de famille n’a pu avoir de valeur que pendant le même délai. — Les mesures sévères que Bernadotte prit en décembre 1812 pour empêcher toute communication avec la famille déchue prouvent une fois de plus de quelles craintes il était alors préoccupé.