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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/617

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sont les instrumens. Déjà on a renoncé, dans quelques ateliers, à la cuisson dans l’eau bouillante et à la recherche du bout, pratiquées de temps immémorial; l’eau bouillante a été remplacée par la vapeur agissant sur les cocons exposés dans le vide, au balai on a substitué un sac en filet contenant les cocons à préparer. Convenablement traités, les bouts s’y rattachent d’eux-mêmes, de telle façon que l’ouvrière n’ait plus qu’à les réunir et à les éclaircir. Il semble aussi qu’on soit sur la voie d’une découverte plus importante, celle d’un filage direct sur bobines, qui supprimerait le filage sur l’asple en écheveaux. sujet à des déchets et entraînant une double main-d’œuvre. Telle est la loi de la grande industrie : rien n’est fait pour elle tant qu’il y a quelque chose à faire; toujours en quête, toujours en éveil, elle a en elle-même les conditions de son mouvement et le germe de ses progrès.

Tout n’est pas achevé pour la soie lorsque les brins élémentaires du cocon ont été dévidés, accolés et croisés les uns sur les autres. On a alors des soies grèges dans leurs variétés, les unes fermes, les autres fines, composées de plus ou moins de brins, et d’un mérite plus ou moins grand, mais toutes impropres, dans l’état où elles se trouvent, au tissage industriel. Il faut, pour les y approprier, les soumettre à de nouvelles opérations, et c’est ainsi qu’après la filature commence l’ouvraison ou moulinage. Le moulinage consiste à réunir plusieurs fils de soie grège en un seul fil plus fort, plus uni et plus continu; ce qui les distingue, c’est le nombre de tors donnés à la soie, et quand ils ont subi cette préparation, ils changent de nom et deviennent des organsins. Des règlemens fixent la valeur et les titres des soies suivant les degrés de l’ouvraison et la quantité de tours que les fils ont subis. Là-dessus, chaque pays producteur a ses procédés et ses méthodes adaptés aux fabrications locales et modifiés en raison de la destination du produit. Telle ouvraison conviendra au satin, telle autre à la peluche, telle autre à la bonneterie et à la passementerie; la trame double d’Annonay à la fabrication des blondes, le poil d’Alais à la rubannerie, la grenadine aux effilés, le fleuret aux galons, la fantaisie aux châles de Lyon, et ainsi des autres. La France, le siège principal de cette industrie est dans le Vivarais, où de nombreuses chutes d’eau offrent des moteurs naturels, et qui, placé à égale distance du midi et de Lyon, semble être l’intermédiaire naturel entre la filature et le tissage, entre la matière première et le produit manufacturé.

De toutes les ouvraisons, aucune ne vaut celle de nos ateliers, et des faits récens en sont venus fournir la preuve. Le prix des soies indigènes s’était naguère élevé et se maintient encore à des chiffres tels que les fabriques de tissus du bassin du Rhône se virent