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des corps simples non métalliques, que l’on comprend sous le nom singulier de métalloïdes. Mais ce ne furent pas là les seuls effets de la découverte de Lavoisier. De même que ce grand homme avait reconnu que les métaux pouvaient, en absorbant l’oxygène de l’air, se transformer en chaux ou terres, en oxydes, comme nous disons aujourd’hui, d’autres chimistes pensèrent que les substances connues dès longtemps sous le nom de chaux, de terres ou d’alcalis, — et parmi elles surtout la chaux commune qui sert à bâtir, la soude et la potasse, qui, combinées à l’huile, forment les savons, — pouvaient bien être aussi des métaux combinés à l’oxygène. Ces métaux seulement avaient une telle affinité pour ce corps, que les oxydes étaient plus difficiles à décomposer, et peut-être même que le métal ne pouvait pas rester exposé à l’air ou à l’eau sans être immédiatement altéré, ce qui expliquait comment ces métaux ne se trouvaient jamais à l’état métallique dans le sein de la terre. Des expériences furent faites, et, après plusieurs tentatives, un chimiste illustre, Davy, employant le nouvel agent que Volta venait de découvrir, décomposa par l’électricité la soude et la potasse. Il vérifia que c’étaient là des composés d’oxygène et d’autres substances qui reçurent les noms de sodium et de potassium. Ces substances avaient avec les métaux quelque analogie d’apparence, quoique l’une surtout fût très molle, et que l’éclat en fût presque nul; mais leurs oxydes ressemblaient à ceux des métaux, étaient connus dès longtemps sous le nom de terres ou d’alcalis, et se combinaient comme eux aux acides. On leur conserva donc le nom de métaux, qui changea de sens et s’appliqua seulement à certains corps simples formant avec l’oxygène des combinaisons pourvues de certaines propriétés. Ces propriétés du reste étaient et sont encore assez mal déterminées, et la distinction entre les corps simples, qui sont les métaux, et ceux qui ne le sont pas, restera toujours difficile à faire. Je n’en veux pour preuves que l’arsenic, qui a été longtemps et est encore par quelques personnes placé dans la classe des métaux, quoiqu’il s’en distingue par un assez grand nombre de propriétés. Je citerai aussi l’hydrogène, qui ressemble à un métal par ses propriétés chimiques, et que son apparence seule et l’ancien préjugé, qui veut qu’une substance métallique soit nécessairement dure, solide, malléable, empêchent de placer à côté du plomb et de l’argent. Le silicium enfin était un métalloïde, et de nouvelles expériences de M. Sainte-Claire Deville ont à peu près prouvé qu’on doit le rapprocher des métaux.

Quoi qu’il en soit, l’expérience de Davy ne paraissait pas laisser de doutes. Toutes les terres, tous les alcalis, toutes les chaux, étaient ou devaient être les oxydes de corps non encore isolés, mais plus ou moins facilement susceptibles d’être obtenus purs. La chaux est un oxyde de calcium, la baryte un oxyde de baryum, la strontiane