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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/890

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Russie, et comment elle était morte ; c’est le tsarisme dont il faut maintenant retracer l’origine et raconter le redoutable développement.


III. – KIEF ET LES GUERRES DE LA STEPPE. – VLADIMIR ET L’INVASION TARTARE. – MOSCOU ET LE TSARISME.

Pendant que le travail et la liberté consolidaient au nord-est de la Russie la prospérité de Novgorod, une autre ville au sud-ouest du pays devenait en quelque sorte le siège principal des forces militaires et des tendances despotiques : c’était Kief, sur le Dnieper (l’ancien Borysthène). Occupant un monticule abrupt, dont le noyau est un grès semblable à la pierre, et dominant le cours d’un grand fleuve, Kief avait aux yeux des princes russes un grand avantage sur la plupart des villes voisines : c’est qu’elle pouvait être fortifiée. Aussi pendant plusieurs siècles fut-elle la résidence princière par excellence. Fondée ou envahie par les Slaves, cette ville était au moins aussi ancienne que Novgorod. À l’époque où Rourik était appelé par la cité républicaine, deux de ses lieutenans s’installaient à Kief au même titre que leur prince à Novgorod. Après avoir défendu la cité du Dnieper contre les incursions des Khozares, peuples sauvages de la steppe, comme Rourik lui-même avait défendu Novgorod contre les Scandinaves, les deux lieutenans s’adjugeaient la souveraineté pour prix du service rendu. À la mort de Rourik, ils étaient forcés toutefois d’abandonner le pouvoir à Oleg, successeur du prince de Novgorod, qui, renonçant à résider dans l’indocile commune, et franchissant avec son armée une distance de plus de trois cents lieues, vint occuper Kief au nom du fils de Rourik, son pupille, et l’érigea en capitale. À dater de cette époque, Kief devint le siège de la dynastie de Rourik, le point de mire de toutes les ambitions des princes russes, comme des convoitises de leurs voisins de Pologne et de Hongrie. Telle fut sa destinée pendant trois siècles.

Une des raisons qui attiraient les grands-princes à Kief, c’était, chose remarquable, la préoccupation qui aujourd’hui encore a fait éclater la guerre entre la Russie et l’Occident. Dès cette époque reculée, les princes russes avaient les yeux fixés sur Constantinople et sur l’empire grec. La position méridionale de Kief répondait à des vues que manifestèrent souvent des expéditions dirigées sur Byzance, soit par la Mer-Noire, soit à travers les provinces danubiennes. Une seule différence existe entre ces tentatives d’envahissement et les entreprises plus récentes : c’est qu’autrefois les Russes païens attaquaient Constantinople au nom d’une religion ennemie du christianisme, tandis qu’aujourd’hui leur prétention est de l’envahir en