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soumis aux Romains, ils perdirent ce caractère, tombèrent dans la mollesse, ne furent plus célèbres que par leur, gloutonnerie et leur obésité, pinguis Etruscus. Mais pour s’assurer que Virgile a raison, et que les joueurs de flûte et les marchands de parfums de l’Étrurie vaincue et dégénérée n’étaient pas les Étrusques primitifs, il suffit de remarquer que dans plusieurs tombeaux on a trouvé un grand appareil d’armes offensives et défensives, de boucliers, de haches, de glaives, et, ce qui au reste se rencontre aussi parmi les antiquités gréco-romaines d’Herculanum, des casques à visière, des cuirasses, des jambards, des brassards, tout l’appareil de la chevalerie du moyen âge, les traces en un mot d’une féodalité guerrière à côté des insignes d’une théocratie sacerdotale. Les chefs étrusques, appelés lucumons, paraissent avoir réuni dans leur personne cette double puissance, à peu près comme certains prélats du XIIe siècle, et comme de nos jours le vladika du Monténégro, à la fois président de sa petite république, évêque et général. On voit combien le type physique des Étrusques s’était abâtardi par la perte de l’indépendance politique. En observant les traits caractérisés et les visages, plutôt allongés que pleins, des figures représentées sur les tombes, particulièrement sur celles qui appartiennent à l’époque la plus ancienne, j’ai été frappé de la ressemblance du profil d’un assez grand nombre de ces figures avec le profil austère et bien étrusque de Dante.

Les Étrusques, ou, comme les appelaient les Grecs, les Tyrrhéniens, étaient de grands navigateurs, et leurs tombeaux offrent la preuve des relations que la navigation et le commerce établissaient entre eux et des nations lointaines. Ainsi on a trouvé dans les tombeaux de l’Étrurie des scarabées égyptiens sur lesquels sont gravés de véritables hiéroglyphes, Je m’en suis convaincu par mes yeux dans le musée du Vatican. Ces amulettes ont été certainement apportés d’Égypte[1]. Une preuve encore plus singulière des rapports de l’Étrurie avec des contrée » bien éloignées est fournie par ces deux étranges personnages que l’on contemple avec un étonnement toujours nouveau dans la collection de M. Campana, et dont le

  1. Outre les objets évidemment importés d’Égypte, comme ceux dont je parlais plus haut, les monumens réellement étrusques offrent avec les monumens égyptiens des ressemblances qui ne peuvent s’expliquer que par de nombreuses communications. La fleur de lotus, sacrée en Égypte, décore souvent les ustensiles de bronze. L’oiseau à tête humaine, qui était chez les Égyptiens le symbole de l’âme, se retrouve parmi les représentations étrusques. Les portes des tombeaux à Cœre, Norcia, Castel d’Asso, ont exactement la forme particulière aux portes égyptiennes. Parmi les ornemens exposés dans la grande vitrine du musée grégorien au Vatican, on voit des figures aux longues ailes enserrant le corps et se dirigeant vers les pieds, fort semblables à celles des divinités égyptiennes, tandis que sur les vases et sur les murs des tombeaux sont représentés des animaux fantastiques qui semblent venir de Ninive ou de Persépolis.