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télégraphe à son gouvernement. C’est là le plus clair de l’histoire, mais c’était payé un peu cher pour ce que cela valait.

Les opérations militaires de la Crimée excitent à bon droit, à coup sûr, toutes les sollicitudes, et c’est là ce qui avait mis, comme on sait, au nombre, des choses possibles le départ de l’empereur pour l’Orient. La situation nouvelle créée par la mort du tsar Nicolas semble aujourd’hui diminuer les probabilités de ce départ. En présence des éventualités qui sont là devant nous, la France ne saurait certes redouter l’entreprise offerte à son courage, si la guerre devient l’inévitable et fatal dénoûment de négociations impuissantes. Ce n’est point un motif cependant pour qu’elle ne se retrouve aisément, à la première lueur favorable, avec tous les goûts, tous les instincts et tous les besoins de la paix. C’est là du reste un des caractères du moment actuel, que cette lutte obstinée qui est engagée entre les plus grandes puissances du monde n’interrompt pas quelques-uns des plus importans travaux de la paix. La guerre continue, et les entreprises suivent leur cours ; on a pu l’observer récemment par le rapport publié sur l’état des constructions du Louvre. Ces constructions gigantesques et si rapidement conduites arriveront bientôt à leur terme. Une fois achevé, cet immense édifice doit comprendre le ministère d’état, le ministère de l’intérieur, les lignes télégraphiques, une exposition permanente des beaux-arts, une salle dite des états, destinée aux grands corps publics dans les jours de leurs réunions solennelles, c’est-à-dire que là se trouvera concentrée, sous la main du chef du gouvernement, toute l’action administrative et politique. Ainsi se réalise, par une construction matérielle, la pensée même des institutions qui régissent notre pays depuis quelques années. Il est d’autres créations et d’autres travaux auxquels le gouvernement ne s’attache point avec moins de persistance : ce sont ceux qui viennent en aide aux classes laborieuses, aux populations ouvrières. Si la guerre a ses victimes, l’industrie a aussi ses blessés, atteints sur cet autre champ de bataille. L’hôpital recueille ceux-ci, il est vrai ; mais l’hôpital ne garde point ceux qui sont désormais inaptes au travail par suite de leurs blessures, et il ne garde pas toujours ceux qui sont encore valides jusqu’au moment où ils pourront se remettre à leur tâche laborieuse. De là découle la pensée d’un décret récent qui crée deux asiles sur les domaines de la couronne, à Vincennes et au Vésinet, pour les ouvriers convalescens ou mutilés dans le cours de leurs travaux. La dotation de l’asile se compose de 1 pour cent sur le montant des travaux publics adjugés dans la ville de Paris, des abonnemens pris par les chefs d’usines et par les sociétés de secours mutuels, et des subventions volontaires qui pourront être recueillies au profit de l’établissement. L’asile est ouvert à tout ouvrier blessé dans un chantier de travaux publics soumis au prélèvement de 1 pour cent, ou dans une usine dont le maître aura souscrit. C’est là ce qu’on nommait en 1848 les invalides civils, et on eut un moment l’idée d’affecter les Tuileries à ces blessés du travail et de l’industrie. Comme il arrive toujours des projets ambitieux qui dépassent leur but, rien ne fut fait. La formule même, dans son étrangeté révolutionnaire, nuisit à la pensée. Les Tuileries ont retrouvé un hôte, parce qu’un pays qui a des palais finit toujours par avoir des souverains à y loger, et les Invalides civils prennent aujourd’hui une place plus modeste parmi ces institutions pratiques qui peuvent devenir utilement bienfaisantes, mais qui