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de camaraderie, qui donnent aux partis une stabilité après tout plus apparente qu’effective. De là des assemblées moins passionnées peut-être, mais plus flottantes, moins brillantes sans doute, mais à tout prendre plus compétentes pour l’office qui leur est attribué. De là un nouvel avenir pour les hommes d’état, une carrière plus laborieuse avec moins d’éclat, où les attend moins d’ascendant et plus d’utilité, où il vaudra mieux ressembler à Henry Pelham qu’à Charles Townshend, à Robert Peel qu’à Chatham lui-même. Ce sont de ces changemens que commande l’esprit du siècle, et il serait intéressant de discuter avec M. Greg les modifications parlementaires qu’ils lui paraissent exiger ; mais il faut se borner.

Telle est l’esquisse des opinions exposées dans les deux volumes que nous avons sous les yeux, et nous nous y sommes arrêté avec un vif intérêt, non-seulement parce qu’elles y sont présentées avec talent, mais aussi parce qu’aux détails près, elles retracent assez bien cette moyenne d’esprit libéral qui nous parait destiné à dominer pour un assez long temps les affaires de la Grande-Bretagne. Notre tâche serait terminée, si notre auteur n’était sorti de son pays pour étendre ses regards sur l’Europe, et particulièrement sur la France.

En Europe comme en Angleterre, il est pour la bonne cause. Les chimères du socialisme, les violences révolutionnaires, les entreprises de rénovation complète et absolue, trouvent en lui un juge sévère et même méprisant. Et cependant il ne tient ni ne croit à l’immobilité des sociétés modernes, et tous ses vœux sont pour le triomphe de l’esprit libéral sur le continent. La crise même de 1848, qu’il a jugée assurément sans illusion ni faiblesse, ne l’a pas découragé ni rendu insensible à quelques progrès accomplis alors, et suivant lui définitifs. Il s’attache même à prouver que l’Allemagne et l’Italie ont fait un grand pas et gagné ce qu’elles ne sauraient plus perdre, quoiqu’il leur reste tant à gagner encore. Certes nous ne protesterons pas contre de nobles vœux en faveur des nations encore chargées des chaînes du passé, et nous souhaitons les voir briser des mains de la sagesse et du temps. Qu’il nous permette cependant de relever entre ses vœux et ses opinions une sorte de contradiction qui peut-être lui échappe. M. Greg est justement pénétré de l’importance des antécédens de l’Angleterre. Ses traditions de liberté, ses mœurs publiques, son esprit municipal, son respect pour le passé, sa manière lente et graduelle d’opérer les changemens que le temps exige, toutes ces circonstances purement nationales lui paraissent et avec raison d’excellentes garanties de liberté et de progrès ; mais ces garanties très grandes, il semble les regarder comme des conditions indispensables, et pourtant il souhaite, il