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et de navigation virtuellement annulés par ces diverses dispositions. Que sortira-t-il de ce conflit ? il serait difficile de le dire. La question Hopkins, puisque ainsi on l’a nommée, a été tranchée à l’Assomption ; elle ne l’est point à Washington, et ce n’est point sans doute un décret du président Lopez qui arrêtera les Américains, dont l’énergique audace semble se tourner depuis quelque temps vers l’Amérique du Sud. ch. de mazade.



REVUE MUSICALE.

L’année 1855 est encore à son berceau. Sera-t-elle brune ou blonde, et quelle est la destinée que lui réservent les parques Inflexibles ? Quel astre, quel génie ou quelle bonne fée a présidé à sa naissance ? Que nous présage-t-elle d’heureux ou de néfaste ? Descend-elle des régions fortunées où s’amoncèlent les rêves d’or de la poésie divine, et sera-t-elle plus propice à l’art musical et aux œuvres de l’imagination que celle qui l’a précédée, et qui n’est plus qu’un souvenir de l’histoire ? Serons-nous condamnés à vivre encore de stratagèmes et de compromis entre le talent qui n’a pas d’idées et des idées informes qui n’ont pas de vie ? Ne nous viendra-t-il pas un de ces enfans prédestinés au culte de la beauté qui réunisse la science à l’inspiration, qui confonde les faux prophètes et chasse les marchands du temple, dont ils souillent le parvis ? De quelle tribu d’Israël sortira cet Éliacin promis aux nations, ce fils de Mozart et de Rossini ? Ah ! qu’il vienne de l’orient ou de l’occident, qu’il soit de la race de Cham ou de Japhet, pourvu que son règne soit glorieux et qu’il nous délivre du joug de l’impie et des charlatans, nous serons des premiers à lui offrir l’encens et la myrrhe de nos adorations : il est si doux d’aimer et de glorifier le vrai génie !

Et la critique, cette noble faculté de la raison, qui est, après le génie créateur, ce qui honore le plus la nature humaine, sera-t-elle, en l’an de grâce 1855, ce qu’elle est depuis trop longtemps, — un bruit de paroles vaines, une cymbale retentissante qui rend toujours le même son, quel que soit l’objet qui la fasse vibrer ? Ne se dégagera-t-elle pas de l’industrie qui l’enveloppe de ses rameaux flexibles, comme un lierre qui étouffe l’arbre sur lequel il appuie sa fragilité ? Sera-t-elle toujours divisée en deux camps, — l’un composé de condottieri, qui se battent aujourd’hui pour le roi et demain pour la ligue, l’autre formé de partisans aveugles, qui ne voient dans la cause qu’ils embrassent qu’une occasion d’exercer leur faconde et de satisfaire leur vanité ? N’y aura-t-il personne qui s’inquiète plus de l’avenir de l’art que du sort des artistes, et qui défende à ses risques et périls la vérité sainte, si indignement outragée ? Ne surviendra-t-il pas, au milieu de ces consciences avilies, de ces esprits dévoyés et sans boussole, un principe fécond qui relève la critique de l’abaissement où elle est tombée et lui donne un crédit qu’elle n’a plus depuis longtemps ? La presse enfin, sauf de bien rares exceptions, sera-t-elle toujours livrée aux bêtes de l’Apocalypse, et n’aura-t-elle de valeur, en ce qui regarde les œuvres de l’esprit, que celle qu’on accorde à cette phalange intrépide qui, dans les théâtres, soutient le