prince devrait leur refuser des passe-ports et les retenir dans le pays. Qu’il s’applique à organiser de bonnes écoles, à y perfectionner l’enseignement de manière à ce que la jeunesse puisse y recevoir une instruction solide. Dites-lui aussi que mes universités sont à sa disposition, et que je verrais avec beaucoup de plaisir les jeunes Moldaves y venir faire leurs études. Il peut être sûr qu’ils ne rapporteront pas, comme de l’Allemagne et de la France, des idées immorales et subversives. Dites-lui enfin que je vois avec peine qu’il emploie des hommes de 1848, tous ces sans-culottes qui ont troublé la tranquillité de leur pays. » L’empereur avait prononcé le mot de sans-culottes avec beaucoup de vivacité. M. George Ghika voulut excuser ses compatriotes, et en voisin peu charitable il le fit en blâmant la conduite de la jeunesse valaque et en essayant un parallèle favorable aux Moldaves. « Pas de comparaison avec la Valachie ! répondit vivement l’empereur. Les Valaques, je les déteste, ce sont des communistes ; mais les Moldaves, je les aime, et c’est pour cela que je recommande à votre prince de mettre de côté tous ces jeunes écervelés. Je désire qu’il suive mes conseils, car autrement je me verrais forcé d’y mettre ordre moi-même, et si mes troupes vont encore une fois occuper la Moldavie, les conséquences en seront des plus graves pour votre pays. »
On peut facilement se représenter l’émotion et la crainte que ces paroles, répétées par le boyard George Ghika, répandirent en Moldavie et surtout en Valachie. Elles jetèrent un jour soudain sur les projets de la cour de Russie, et, dès le mois de décembre 1852, on put comprendre que le prince Stirbey appréhendait une nouvelle occupation des principautés par la Russie. À cette époque en effet, l’empire ottoman se trouvait dans les conjonctures les plus graves ; le Monténégro s’était soulevé, et l’influence russe n’avait pas été étrangère à ce mouvement, qui venait augmenter la faiblesse de la Porte à la veille même de la mission du prince Menchikof. Les agens russes disaient hautement que la cour de Saint-Pétersbourg soutiendrait les Monténégrins. Oubliant les déprédations commises sur le territoire de Cattaro par ces montagnards, qui, à plusieurs reprises, n’avaient échappé aux rigueurs de l’Autriche que grâce à l’intercession de la Russie, la cour de Vienne prenait cette fois leur parti contre les Turcs,