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qui lui a donné naissance il y a deux siècles, lorsque les Hollandais ont commencé à la mettre en pratique, et c’est pour la même raison qu’on la voit toujours unie à son origine à des monopoles ; mais l’envahissement des branches du commerce et de l’industrie que peuvent efficacement exploiter les ressources et les aptitudes individuelles par la société anonyme, escortée de ses deux privilèges, la puissance du capital et la limitation de la responsabilité, serait un fait doublement pernicieux, car, écrasant par une concurrence irrésistible les entreprises privées, la société anonyme serait bientôt impuissante à remplir avec la même économie de capital, avec la même sagacité, avec un aussi bon emploi de l’esprit industrieux et du travail, les services d’où elle les aurait chassées. Une banque de commandite constituée comme le Crédit mobilier, qui aurait la suprême disposition des ressources du crédit commanditaire, serait donc exposée à faire de la forme de la société anonyme ou des applications dangereuses, ou des applications maladroites. Les applications dangereuses sont celles qui iraient implanter la société anonyme dans des branches d’industrie et de commerce qui peuvent vivre, agir, prospérer par les ressources et les efforts individuels sous le régime de la concurrence. Établir dans ces branches du commerce et de l’industrie des sociétés anonymes, ce serait préparer le triomphe des monopoles sur les entreprises libres. Il est évident en effet que des sociétés qui uniraient à la supériorité de grands capitaux fournis par l’association le privilège de la responsabilité limitée, désarmeraient, décourageraient et finiraient par anéantir toutes les concurrences réduites aux ressources individuelles et exposées aux périls de la responsabilité commerciale. Ces sociétés s’empareraient donc de monopoles de fait, et après être arrivées à ce point, leur histoire serait celle de tous les monopoles, qui, tout-puissans pour écraser les efforts des concurrences isolées et pour, empêcher, sont impuissans à tout faire et finissent toujours par ne pas suffire aux services qu’ils prétendaient remplir seuls. Les applications maladroites et ridicules de la société anonyme seraient celles qui donneraient cette investiture de l’irresponsabilité à des entreprises de médiocre importance, et dont l’exploitation exige l’œil et la main, la présence et la vigilance du maître, ces qualités personnelles qui font dépendre le succès de certaines affaires des chefs qui les dirigent et qui leur consacrent toutes les facultés de leur intelligence en y plaçant tous les intérêts de leur fortune.

Telles sont, au point de vue économique, les fautes inévitables que serait entraînée à commettre une banque de commandite qui, d’un côté, attirerait elle le capital disponible du pays, jet qui, de l’autre, ne pourrait le transmettre à l’industrie qu’en la contraignant