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du Danube et l’administration des principautés intéressaient fort peu la Suède, que la question d’Orient n’avait pas encore fait place à une lutte générale contre la Russie, que la Suède n’avait rien à faire dans un tel débat, qu’il n’y avait pour elle que des coups à gagner. Une de ces feuilles rappela naïvement, en parlant de la politique qu’elle supposait au roi Oscar, ces paroles, qui sont, à ce qu’il paraît, de Gustave-Adolphe, que « les meilleurs rois sont après tout ceux d’une intelligence ordinaire. » C’est au milieu de l’excitation produite par l’inquiétude générale, qu’augmentait encore le maladroit langage de ces journaux, que parut le sixième volume des Mémoires de M. Schinkel, dont nous avons donné ici même une complète analyse. Ce volume comprenait le récit détaillé des circonstances qui avaient amené l’union intime de Bernadotte et d’Alexandre. Il faisait connaître de la manière la plus authentique des lettres inédites, des conversations, des notes, jusque-là secrètes, qui jetaient une lumière imprévue sur toute la politique suédoise, et particulièrement sur l’entrevue d’Abo et le traité de famille du 30 août 1812. « Je suis dévoué entièrement et sans retour à votre majesté, avait dit Bernadotte ; la Suède ne cessera jamais d’être votre plus fidèle alliée ; ses armes, ses hommages et ses vœux vous appartiennent pour toujours ; j’élèverai mon fils dans ces sentimens. » Et un article secret, ajouté à la convention d’Abo, avait engagé réciproquement la Suède et la Russie à s’aider mutuellement, par un secours de dix ou quinze mille hommes, contre tout ennemi extérieur ou intérieur. — L’opposition suédoise demanda si par hasard le traité secret n’était pas encore en vigueur, si le fils de Bernadotte, élevé dans des sentimens conformes à la politique et aux promesses de 1812, n’était pas lié encore par l’acte d’Abo, si le gouvernement suédois enfin n’était pas enchaîné par des engagemens contraires à la volonté et même à l’honneur du pays. Les journaux semi-officiels ou officiels gardèrent longtemps un silence qui pouvait paraître inquiétant. Avant que le Svenska Tidning, feuille semi-officielle, eût parlé, nous crûmes pouvoir affirmer que les craintes de l’opposition suédoise étaient évidemment fort exagérées, ou plutôt qu’elles n’avaient aucun solide fondement ; que le traité secret d’Abo, cette prétendue découverte, était connu depuis longtemps et imprimé tout au long dans une des histoires de Charles-Jean, publiée il y a quelque vingt ans à Paris ; que Bernadotte était trop habile ou trop rusé pour avoir voulu imposer à ses descendans une dangereuse soumission envers la Russie ; qu’après tout enfin un traité ne lie qu’aussi longtemps qu’on veut bien l’observer, et que le roi Oscar n’avait jamais été disposé à faire de la Suède malgré elle une vassale de Saint-Pétersbourg. Le journal officiel fit enfin remarquer, quand il crut devoir rompre le silence, que