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le trésor public et vexatoires pour le commerce ; d’autre part, si le principe de la protection n’a pas reçu une extension également nuisible au revenu de l’état et aux intérêts du peuple. Sa majesté désire aussi que vous preniez en considération les lois qui règlent le commerce des grains. Vous aurez à voir si ces lois n’aggravent pas les fluctuations naturelles des moyens de subsistance, si elles n’entravent pas le commerce, ne dérangent pas le cours de la circulation monétaire, ne diminuent pas le bien-être et n’accroissent pas les privations du grand corps de la nation. »

Prenant ainsi, en se retirant, tous leurs avantages, les whigs chargeaient sir Robert Peel de réparer leurs fautes et d’acquitter leurs promesses. Il était condamné à relever le pouvoir et à réformer les lois, à combler le déficit et à soulager le peuple.


VIII

Avant de se mettre en marche vers ce double but, il employa cinq mois à étudier les faits et à préparer ses mesures. Impatiens de reprendre le rôle toujours facile de l’opposition, les whigs se plaignaient de ses lenteurs ; Peel leur répondait avec une poignante ironie : « Si je suis coupable de n’avoir encore rien proposé sur la législation des grains un mois après mon entrée au pouvoir, que faut-il penser d’un ministère qui, pendant cinq ans, jusqu’en mai 1841, a gouverné sans exprimer à ce sujet une opinion arrêtée et unanime ? Si vous êtes à ce point convaincus que les lois sur les grains infligent au pays des maux effroyables, qu’elles sont la cause de la détresse commerciale et des souffrances qui pèsent, dans quelques districts, sur les classes ouvrières, pourquoi avez-vous laissé s’écouler cinq ans sans proposer un remède à ces maux ? Pourquoi avez-vous fait, entre vous, de cette question une question libre ?… J’en conviens : après avoir été dix ans en dehors du pouvoir, je crois raisonnable de ne pas changer en quelques semaines cette législation, d’examiner tous les renseignemens recueillis avant moi, de me rendre compte de tous les faits, de tous les avis… Que ne mettez-vous la chambre en demeure de s’expliquer sur la confiance que je lui demande ? Elle a été élue d’après votre conseil et sous vos auspices ; consultez-là sur ce qu’elle pense de la conduite que je tiens. » Les whigs n’avaient garde de soumettre à la chambre une telle question ; ils savaient trop quelle serait sa réponse. Le parlement fut prorogé sans que sir Robert eût exposé ses plans. La session se rouvrit, le 3 février 1842, avec un mouvement et un éclat inaccoutumés. La reine venait d’accoucher du prince de Galles ; un vif sentiment monarchique animait le pays et les chambres ; elles votèrent au prince Albert, comme à la reine elle-