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les voies ferrées a réduit à peu d’heures le parcours des plus grandes dis tances du territoire, en même temps qu’il a diminué dans une notable proportion et la fatigue du chemin et les dépenses de corn for table nécessaires. C’est à l’attrait des eaux minérales, des plages maritimes commodes pour les bains, que sont dus à peu près tous les voyages qu’entreprennent les familles des grandes villes françaises, lorsqu’elles consentent à sortir de leur villégiature et de leur vie de château.

D’année en année cependant, on voit s’établir de plus en plus la conviction que pour former l’esprit des jeunes gens des deux sexes rien n’est plus utile que des excursions un peu étendues telles que le parcours des sites qui bordent le Rhin, une visite aux vallées et aux montagnes de la Suisse, avec le Rhône depuis le lac de Genève jusqu’à son embouchure. On peut encore explorer le littoral de Marseille et celui de la côte maritime de France jus qu’à Perpignan et à l’Espagne, aborder sur plusieurs points des Pyrénées et de tout le littoral de l’Atlantique, qui baigne la France occidentale. Les paysages des Vosges, riches d’une si grande variété d’arbres et de sites gracieux, seraient, étant mieux connus, des promenades qui ne le céderaient en rien aux excursions les plus pittoresques, surtout à une époque où le goût des arts du dessin a fait de si nobles progrès dans toutes les classes de la société et a contribué à faire mieux apprécier les beautés de la nature. Je ne dis rien des montagnes d’Auvergne, chantées en vers par Fénelon, et de la chaîne centrale de la France, qui offre au touriste comme au naturaliste un résumé de tout ce que l’amateur le plus exigeant peut souhaiter ou même imaginer de plus varié et de plus grandiose.

Sans doute, me dira-t-on, l’époque de l’année est bien choisie pour parler de voyages de santé, de bains, d’eaux minérales, d’établissemens thermaux, au moment même où chacun, fait ses plans de saison d’eaux pour les mois de juillet, d’août et de septembre, lesquels possèdent exclusivement le privilège des voyages commandés soit par l’hygiène qui prévient les maladies, soit par la thérapeutique qui y porte remède ; mais, encore une fois, qu’y a-t-il de scientifique dans une excursion aux sources minérales des Pyrénées, du Mont-Dor, des bords du Rhin, de l’Allemagne, de la Suisse et de la Savoie, ou enfin à ce vaste dépôt d’eaux vraiment minérales, qu’on appelle l’Océan, et qui occupe les trois quarts de la surface du globe terrestre ?

Tout au contraire est scientifique et, comme diraient les Anglais, hautement scientifique (highly scientific), dans la nature, l’origine, la composition, la situation géographique, enfin le mode d’action des eaux minérales. J’ai déjà montré dans la Revue comment la physique et la chimie de l’intérieur de notre terre se trouvent liées à ces sources miraculeuses, suivant l’expression de Delille[1]. Tandis que le minéralogiste va chercher dans le sein de la terre les riches trésors des mines de métaux et de combustibles,

  1. Dans le tableau un peu prétentieux que Delille trace de l’animation qui règne aux eaux, se trouvent ces deux vers curieux comme exemple de tautologie :
    Plus la foule est nombreuse, et plus elle est active :
    L’un vient et l’autre part, l’un part et l’autre arrive.
    ( Les Trois règnes, livre 3.)