Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dubois, en jetant tout cela au feu, comme un importun bavardage. On avait supprimé depuis longtemps les garanties dont le principe était reconnu formellement dans le système féodal, à savoir que l’établissement d’un impôt suppose le consentement de la nation régulièrement exprimé par des assemblées. Encore si au vote de l’impôt par la nation, qui était aboli, on eût substitué du moins la publicité, tant pour les comptes des dépenses et des recettes que pour la répartition des contributions : avec cette pratique, si naturelle depuis la découverte de l’imprimerie, il y aurait eu un frein contre l’arbi traire dans la fixation des taxes imposées à chacun et contre la dissipation scandaleuse des deniers publics ; mais rien de pareil n’existait. Bien plus, sous le contrôleur-général Laverdy, un arrêt du conseil avait défendu absolument décrire sur les matières d’administration publique. En conséquence, en 1768, il y eut des gens condamnés à la marque et aux galères pour avoir vendu des brochures, parmi lesquelles l’arrêt mentionne l’innocente production de l’Homme aux Quarante Écus de Voltaire

À plus forte raison, les adeptes de cette école administrative et financière n’apercevaient ni les nouveaux élémens qui s’étaient fait jour dans la société et qui demandaient qu’on les ménageât, ni les besoins nouveaux qui se révélaient avec énergie. On n’y soupçonnait pas que le tiers-état, désormais instruit, éclairé et possesseur enfin d’une masse de richesses, ne pouvait plus être impunément foulé, vexé, violenté, puisqu’il avait la puissance matérielle et l’autorité morale qui lui étaient nécessaires pour obtenir la sécurité et le respect auxquels il avait droit. Les pratiques administratives et financières qui étaient en vigueur en France et à peu près dans tous les autres états tenaient dans la servitude une bonne partie des forces vives de la société, dont la libre mise en œuvre était pourtant la condition de l’ordre social. L’exercice de l’industrie, l’esprit d’entre prise, l’initiative privée des hommes intelligens et le bon emploi des capitaux étaient indéfiniment entraves par l’élévation des tarifs d’impôt, par les règlemens de fabrication, par les privilèges et les monopoles. en un mot, le système financier et administratif que la révolution de 1789 avait trouvé en possession d’état, tant en France que dans tout le reste de l’Europe continentale, était un défi au sentiment de la liberté et de la dignité de l’homme, un attentat permanent contre le principe de la propriété. Le livré d’Adam Smith, relu en pleine Angleterre, devait être une révélation et un ravissement pour un excellent esprit comme M. Mollien, qui non-seulement avait vu appliquer, mais avait été obligé de mettre en activité lui-même les règles financières en honneur dans l’officine des contrôleurs-généraux. Dans ces conditions, la méditation de cette œuvre admirable