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les désastres de nos années en Italie et en Allemagne et l’approche des hordes de Souvarov avaient exaspéré le parti de la révolution, qui alors avait de vive force renvoyé du directoire des hommes modérés et voté des lois pleines de rigueur. C’est ainsi qu’à la fin de l’an VII on avait fait la loi des otages, renouvellement de la loi des suspects de la terreur, frappé les riches ou ceux qui passaient pour tels de l’emprunt forcé et progressif de 100 millions, et exalté par tous les moyens possibles la passion révolutionnaire. Le général Bonaparte avait le sens politique trop juste et le cœur trop noble pour condescendre à la continuation de ce régime impossible et odieux. Il entreprit de placer le gouvernement dans une sphère qui fût supérieure à tous les partis, inaccessible à leurs passions et à leurs prétentions déréglées. Déjà il avait fourni des gages éclatans de son attachement à la cause de la révolution, et au 13 vendémiaire et au 18 fructidor, quand il avait fallu empêcher de sombrer le navire qui portait les principes de 1789 ; d’un autre côté, il avait donné en Italie des témoignages répétés de ses sentimens humains et concilians pour les victimes des fureurs révolutionnaires, et à Paris même il avait manifesté sa répugnance pour les anniversaires lugubres que la terreur avait érigés en solennités nationales. Pour lui donc, ce n’était qu’être fidèle à soi-même que de traiter tous les partis indistinctement en arbitre ou en maître, et de leur enjoindre qu’ils eussent à se plier au service du pays sous sa propre impulsion, en leur faisant comprendre qu’autant il était disposé à faire un bon accueil à quiconque serait prêt à observer la loi sous son autorité, autant il serait inexorable pour qui prétendrait la lui faire.

Dès les premiers jours, on le voit rassurer les opprimés sans alarmer les amis de la révolution. La loi des otages, qui détruisait la sécurité de deux cent mille familles, est abrogée ; l’expédient violent de l’emprunt ; forcé et progressif, est aboli ; les lois draconiennes qui, à la suite du 18 fructidor, avaient frappé des prêtres prévenus du crime insaisissable de conserver des sentimens contraires à la révolution sont révoquées ; la liberté des cultes, qui n’était qu’une dérision, puisqu’il était dangereux et souvent impraticable aux catholiques pieux de manifester leur foi, devient une réalité. Les naufragés de Calais, malheureux émigrés, qu’on avait impitoyablement saisis après que l’océan en courroux les avait épargnés, sortent de prison. Les portes de. la patrie se rouvrent pour les proscrits de Sinnamari et pour, un autre exilé qui était une des gloires les plus pures de 1789, le général Lafayette ; des paroles de conciliation sont adressées à la Vendée. Le conseil d’état, le jour même où les membres qui le composent ont été nommés, se réunit solennellement, et rend, un avis portant que les lois en vertu desquelles