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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/517

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bientôt les routes ne seraient plus sûres, et il serait très prudent de faire partir au plus tôt Maxime. En homme avisé, le docteur avait pris des renseignemens sur le jeune officier. Un médecin de ses amis, originaire de Padoue, lui avait appris que le comte Alghiera était le dernier héritier d’une illustre famille sicilienne établie depuis un demi-siècle dans le Trévisan. L’obligeant Girolet s’était procuré un équipement complet pour Maxime. — J’aurais mis ma garde-robe à votre disposition, lui dit-il ; mais moi, je suis bâti comme une futaille. Je crois que vous serez content de mes achats, et tout sera à votre mesure. Nous autres anatomistes, nous avons le compas dans l’œil… Miss Sarah ne put s’empêcher de donner un regret à ce bel uniforme déchiré, dont Maxime se défit si joyeusement ; mais elle se consola en pensant que son héros courrait moins de dangers sous ce nouveau costume.

Tout était prêt pour le voyage, et Maxime vint prendre congé d’Olivia. Comme elle n’était pas visible, il retarda son départ de quelques heures. Dans l’après-midi, il se présenta de nouveau chez elle ; elle l’accueillit très gracieusement, et dès qu’il parla de ses projets de voyage, elle lui dit avec courtoisie, en lui tendant la main : — Maintenant c’est trop tard ; vous nous resterez. Le docteur nous a effrayés avec ses récits. Il faut attendre d’autres nouvelles.

Girolet, en sa qualité de médecin et d’étranger, pouvait passer partout, et le lendemain on l’envoya de nouveau aux informations, puis le surlendemain encore, et tous les jours de la semaine. Tous les jours il revenait plus inquiet, plus alarmant ; il insistait pour qu’on fît partir Maxime, mais sir John se riait des craintes du docteur et répondait que jamais Autrichien ne se permettrait de mettre les pieds chez lui, qu’une maison anglaise était un asile inviolable, et que l’Autriche, déjà si mal dans ses affaires, n’aurait garde de se mettre le gouvernement de la Grande-Bretagne sur les bras.

Miss Sarah vivait dans des transes mortelles : à chaque instant, elle s’attendait à voir arriver des hordes de Croates ; la nuit, dans ses rêves, elle ne voyait que manteaux rouges. Avec ses exagérations, elle contribuait beaucoup à rassurer Olivia et sir John, et tous les matins au déjeuner on lui disait en riant : Sœur Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?

Tout ce que le docteur put obtenir, ce fut qu’on renoncerait aux grandes promenades dans la campagne, et qu’à l’avenir on ne sortirait plus de l’enceinte du château. L’actif, l’infatigable sir John se trouvait très malheureux de cette captivité. Pour occuper ses loisirs, il se promenait dans le palais et dans les jardins, un crayon à la main, en méditant de grands projets de restauration. La casa Olgiati avait été bâtie par Bramante. Ce magnifique hôtel délabré