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Madrazo, et je la réfutais pièces en mains. Le 14 janvier au soir cependant, sommation par exploit d’insérer intégralement la lettre du 20 novembre! M. Madrazo méconnaissait donc la transaction du 29 décembre 1855, exécutée loyalement le 1er janvier 1856. Nous devions résister à la sommation, qui n’était pas même donnée régulièrement au directeur responsable de la Revue. Pendant un mois, M. Madrazo garde le silence. Le 21 février, il abandonne sa première prétention, qui n’allait pas au-delà de l’insertion de sa lettre, et porte contre la Revue et contre moi une plainte en diffamation. Ainsi, depuis le 1er octobre jusqu’au 14 janvier, il se borne à réclamer contre une erreur de fait, erreur qui n’existe d’ailleurs que dans sa pensée, et qui s’explique par une connaissance incomplète de notre langue. Pendant plus de trois mois, il ne se croit pas diffamé. L’idée d’une diffamation ne lui vient que le 21 février, cent quarante jours après la publication de mon jugement sur l’école espagnole. Le délit qui m’est imputé n’était sans doute pas facile à découvrir, puisque M. Madrazo a si longtemps hésité à porter sa plainte. Quels conseils a-t-il écoutés? Je l’ignore... Un écrivain éminent essaie alors d’amener une transaction. Les choses sont bientôt en voie d’accommodement. M. Ochoa, beau-frère de M. Madrazo, n’insiste pas sur la plainte en diffamation, et se contente de l’insertion de la lettre du 20 novembre. Le négociateur bienveillant qui essaie de concilier les parties propose une note qui renverra le lecteur aux numéros du 1er octobre 1855 et du 1er janvier 1856. Tout semble arrangé quand un conseiller demeuré inconnu rédige et veut imposer à la Revue une note dans laquelle il passe absolument sous silence le texte même qui doit servir à me justifier. La négociation est rompue. Nous publions intégralement la lettre de M. Madrazo dans notre numéro du 1er juin 1856, nous contentant, en quelques paroles préliminaires, de rétablir notre texte, mutilé dans la lettre du réclamant. Le public sait maintenant ce qui s’est passé. Nous avons fait pour éviter le procès tout ce que nous pouvions faire. En acceptant la note dont nous venons de donner le sens, nous aurions déserté notre droit. Mais quels sont donc les titres de gloire qui pourraient justifier de pareilles prétentions?

M. Madrazo n’a pas encore pris rang parmi les peintres illustres de l’Europe; mais il a dès à présent trouvé parmi ses compatriotes un biographe qui parle de lui comme Vasari parlait de Raphaël et de Michel-Ange. Après avoir lu son panégyrique publié à Madrid en 1845[1], je comprends qu’il n’accepte pas la discussion. Au-delà des

  1. D. Federico de Madrazo y Kuntz, par Eugeaio de Ochoa, dans la collection qui a pour titre Galeria de Españoles celebres contemporaneos, Madrid 1845.