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transportée en quelque sorte chez tous les peuples pour dégager les règles générales, les principes dont elle affirme l’excellence. Grâce au progrès des relations internationales et au développement des travaux statistiques, la science de l’économie politique est en mesure de recueillir, dans les régions les plus éloignées, dans les pays civilisés comme dans les contrées sauvages, partout en un mot, les informations sur lesquelles se fonde son enseignement; elle peut donc désormais marcher d’un pas plus sûr et présenter comme des axiomes un certain nombre de grandes et utiles vérités qu’a entrevues seulement la génération qui nous a précédés. — Ce n’est pas que tous les économistes soient encore parvenus à s’entendre sur l’ensemble de la doctrine : il reste des points obscurs et des définitions incomplètes, la grammaire et le dictionnaire de la langue scientifique offrent de nombreuses lacunes; mais à cet égard l’économie politique subit le sort de toutes les sciences, même des plus anciennes, qui ont sans cesse à réviser leurs principes d’après les leçons de l’expérience, et à modifier leurs classifications, leurs nomenclatures, leurs termes, en présence de découvertes nouvelles.

Ainsi que l’annonce son titre, le livre publié par M. Joseph Garnier est un exposé des notions fondamentales de l’économie politique. Un membre de l’institut, M. Dunoyer, s’exprimait ainsi dans un rapport lu à l’Académie des Sciences morales au sujet de cet ouvrage : « L’auteur s’est moins proposé de faire du nouveau que de se rendre un compte exact de ce qui avait été fait et de tirer de cette consciencieuse et intelligente analyse un résumé clair et substantiel des principes de la science. Il s’est entouré de tous les maîtres qui en ont traité, depuis les physiocrates jusqu’aux auteurs contemporains les plus honorablement accrédités, et de leurs travaux réunis il s’est efforcé d’extraire un tout harmonieux qui est le corps même de la science, au point où l’ont conduite les communs efforts de ses fondateurs, s’efforçant de les rectifier, et surtout de les compléter les uns par les autres, montrant qu’ils sont souvent moins divisés qu’ils ne le croient, et s’appliquant en particulier, dans un esprit de justice distributive tout à fait louable, à faire honneur à chacun d’eux des vues qui lui sont propres et des services qu’il a rendus. » Cette appréciation, émanée d’un juge compétent, nous dispense d’insister sur le mérite du livre que nous avons sous les yeux. M. Joseph Garnier a puisé, dans un long exercice du professorat, des habitudes d’ordre et de clarté qui sont précieuses surtout pour la composition d’un ouvrage élémentaire. Il expose les doctrines qui sont généralement acceptées, il indique celles qui sont encore à l’état de discussion, et sauf en un point, à savoir la question du libre-échange commercial, il se montre fort réservé dans l’expression de sa pensée particulière; en un mot il ne prêche pas, il enseigne. Laissant ainsi à l’écart toute polémique irritante, M. Joseph Garnier a fait un livre utile, qui est destiné à occuper une place honorable dans la littérature économique.


C. LAVOLLEE.


V. DE MARS