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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/860

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pas à moins de 42 millions. Sur cette somme, quelque considérable qu’elle fût, l’état n’eut à supporter aucune perte. La plupart de ces débets provenaient de ce que les comptables avaient puisé dans leur caisse pour former une partie de leurs cautionnemens ; plus d’une fois cependant il fut prouvé qu’ils se servaient des fonds de l’état pour alimenter quelqu’une des nouvelles maisons de banque de Paris, mais dans ce cas aussi on avait affaire à des débiteurs solvables.

Du milieu de son armée, malgré la rude campagne d’hiver signalée par la meurtrière bataille d’Eylau, au milieu des difficultés de l’occupation ou de l’observation de l’Allemagne entière, dont une partie frémissait sous sa main, l’empereur ne laissait pas de correspondre activement avec ses ministres. Des auditeurs au conseil d’état lui apportaient des portefeuilles remplis de rapports, il statuait définitivement et renvoyait ses propres dépêches sur les sujets qui venaient saisir sa pensée, et dont je citerai un exemple. Pendant le séjour de l’empereur à Posen, sur on ne sait quel avis, il supposa au cabinet de Londres l’intention de confisquer les fonds de la dette publique anglaise qui appartenaient à des Français. Il ordonna à son ministre du trésor d’examiner si dans le cas où ils en agiraient ainsi, il ne faudrait pas recourir à la même rigueur. « La matière est très délicate, disait-il, je ne veux pas donner l’exemple ; mais si les Anglais le font, je dois user de représailles. » M. Mollien répondit qu’un pareil acte lui paraissait trop contraire à la politique anglaise pour qu’il pût y croire, qu’il souhaitait que le cabinet de Londres commît une telle faute, mais qu’on la lui rendrait plus funeste en ne l’imitant pas. À cette occasion, il envoya à l’empereur le beau mémoire de Hamilton, l’ami, le conseiller et le ministre de l’immortel Washington, sur la question de savoir si la règle de la politique, plus encore que celle de la morale, n’interdisait pas à tout gouvernement, non-seulement de confisquer les capitaux qui lui avaient été prêtés par les sujets d’une puissance avec laquelle il serait en guerre, mais même de suspendre à leur égard le service des intérêts. Napoléon n’insista plus sur cet objet.

Une fois l’empereur de retour de la campagne terminée par le coup de tonnerre de Friedland et l’entrevue de Tilsitt, quand M. Mollien lui fit la proposition de substituer d’une manière générale la comptabilité commerciale à la méthode jusqu’alors en usage, il hésita, et M. Mollien dut accepter un terme moyen qui consistait dans l’emploi simultané des deux méthodes dans chacune des recettes. C’était pour les comptables un surcroît de travail et de frais. Le doublement ne fut même impératif que dans les départemens situés au-delà des Alpes. Un ensemble de convenances politiques et militaires autant que financières avaient déterminé M. Mollien à établir