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les travaux. La mesure était directement tournée contre l’Autriche. Aussitôt des souscriptions se sont ouvertes pour offrir cent canons au gouvernement. Quelques esprits circonspects ont pu en secret blâmer ces démonstrations bruyantes. Au fond, le sentiment national rallie tous les partis, et c’est ce qui fait la force de ce pays. Les divisions s’effacent devant un intérêt patriotique. Qu’on y songe bien, ce sentiment vif et persistant n’a rien à démêler avec les théories de M. Mazzini, ni même avec la politique de M. Manin. C’est un sentiment traditionnel qui survit à travers tout, qui ne fait que se transformer, et qui est le gage de l’avenir du Piémont, comme il explique son passé. L’œuvre d’une juste et intelligente politique, c’est de le maintenir intact et de ne point le laisser s’égarer dans des alliances compromettantes avec l’esprit révolutionnaire, alliances qui ne feraient que le dénaturer et l’affaiblir.

Dans les relations de l’Europe avec le Nouveau-Monde, il y avait récemment deux questions qui présentaient un caractère menaçant. L’une, la querelle de l’Angleterre et des États-Unis, a presque complètement disparu, ou du moins elle est entrée dans une sphère de négociations d’où elle ne sortira point sans doute. L’autre, le différend survenu entre l’Espagne et le Mexique, vient de trouver également une solution qui écarte la possibilité d’une rupture immédiate. Ce démêlé, si l’on s’en souvient, a pour première cause l’inexécution d’un traité international relatif à une dette reconnue par le Mexique. Le gouvernement mexicain actuel se plaint que dans cette dette, qui est assez considérable, on ait introduit un grand nombre de crédits frauduleux ou purement chimériques, et sans autre considération légale ou diplomatique, sans recourir à aucune espèce de négociations, il suspendait le traité il y a quelques mois, il frappait d’interdit les bons de la dette espagnole. L’Espagne réclamait aussitôt avec énergie, elle envoyait à Mexico un nouveau ministre, M. Santos Alvarez, et en même temps elle faisait partir de La Havane une petite escadre qui allait croiser devant la Vera-Cruz, prête à agir par la force, si son ministre n’obtenait point une immédiate satisfaction. Un conflit était imminent. C’est alors qu’est intervenue une transaction préparée par la diplomatie. Il a été convenu que l’escadre espagnole quitterait les eaux de la Vera-Cruz, tandis que le gouvernement mexicain, de son côté, abrogerait le décret d’embargo sur les bons de la dette, et remettrait en pleine vigueur la convention de 1853. Cela fait, M. Santos Alvarez a dû présenter ses lettres de créance, et il s’est en même temps engagé à soumettre à l’examen du cabinet de Madrid la révision de certains crédits signalés par le Mexique comme entachés de fraude. Les premières conditions de cet arrangement ont été remplies ; les vaisseaux espagnols ont repris le chemin de Cuba, et le gouvernement mexicain s’est exécuté en abrogeant son décret d’embargo. Il ne reste donc plus qu’une négociation à suivre. Ce qu’il y a de plus terrible, c’est que le Mexique est peut-être fondé dans ses plaintes. Mais qui donc a reconnu, liquidé cette dette ? qui l’a in-