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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/96

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droit d’un prince impie, commença pour l’Inde une ère de calme, de prospérité et de vertus.


III.

La moralité de ce qui précède ressort du récit des faits. Il y a un moment, dans la société indienne, où le brahmane et le roi, nés d’un même père, se séparent tout à fait. Le premier, représenté par Dhrouva, s’enfonce dans les solitudes pour se mettre en communication plus directe avec le dieu créateur, à qui il demande « de lui accorder une position qui l’élève au-dessus de tous les autres hommes. » Outtama, frère du pieux solitaire, et à qui le trône est échu en partage, périt misérablement au versant des montagnes de la main d’un sauvage. Tel sera le sort des rois qui s’abandonnent à la passion de la chasse et qui se plaisent exclusivement dans l’exercice des armes. À ce prince plus malheureux que coupable succède Véna, descendant par sa mère d’une race barbare. Celui-là répudie la tradition aryenne ; le peuple a peur de cet homme cruel, ignorant et orgueilleux, qui repousse à la fois l’idée d’un Dieu suprême et le culte de la nation. Si Véna l’emporte, c’en est fait de la société qui se fonde sur le sol de l’Inde ; l’idée religieuse, la pensée philosophique, la civilisation, tout périra à jamais. La lutte éclate, et le brahmanisme triomphe ; après de longs efforts pour ramener la paix dans le pays, en proie aux révolutions et menacé de l’invasion des barbares, le calme se rétablit. De l’union des deux classes, dont la scission a causé tant de mal, naît un roi qui fera fleurir la justice.

Arrêtons-nous un instant devant l’image de ce roi Prithou, qui apparaît, à travers le voile de la légende, comme le civilisateur de l’Inde. « Il était de haute taille, dit le Bhagavat-Pourâna ; ses bras étaient longs et robustes, son teint blanc ; ses yeux bruns ressemblaient au lotus ; son nez était bien formé, son visage beau et doux, ses épaules étaient rebondies ; son sourire laissait voir de belles dents. » Voilà le portrait d’un héros de pure race aryenne, et il ressemble en tous points aux belles statues que l’on admire encore dans les caves d’Éléphanta, de Salsette et d’Ellora. La blancheur de la peau, célébrée par les poètes, trahit l’origine septentrionale de ce peuple, fier de sa couleur, qui a horreur des hommes au teint noir, qualifiés par lui de fils des ténèbres[1]. Il est grand, élancé, fort

  1. La longueur du bras est le symbole de l’adresse dans le maniement des armes, comme la longueur des jambes est le signe de la rapidité à la course. Ce double caractère se remarque chez les races les plus belles de l’Asie et de l’Europe et même aussi chez les Indiens à peau rouge de l’Amérique, qu’il ne faut pas confondre avec les Indiens olivâtres, trapus, dont la face ressemble a celle des Mongols. Les Hindous estiment qu’un nez est bien formé lorsqu’il s’élance du visage pareil à une mangue, c’est-à-dire également fort dans toute sa longueur, et non pas épaté et trop ouvert, comme celui du Chinois, du nègre, etc.