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lyrique, plus rarement discutés que la littérature dramatique, ont le privilège d’attirer l’attention sur les écrivains qui s’en occupent. Comme il n’est pas facile de se former une opinion sur le développement social et politique d’une nation, sur les obligations morales de l’humanité, sur les enivremens et les angoisses de la passion, sur les extases de la pensée solitaire, le lecteur étudie avec attention l’opinion qui lui est soumise. Le compte-rendu d’une pièce de théâtre n’est pour lui qu’une nouvelle.

Tant que la critique dramatique ne consentira pas à changer ses habitudes, elle sera traitée comme une chose indifférente et restera en dehors du domaine littéraire. Il n’y a pour elle qu’une manière de se renouveler, de conquérir la puissance et l’autorité, c’est de chercher dans l’histoire la raison des formes diverses sous lesquelles s’est produite l’invention dramatique. A ce prix, je crois qu’elle est sûre d’obtenir l’attention. La question ainsi posée n’est peut-être pas sans attrait. Pourquoi chez nous le théâtre, au XVIIe siècle, s’est-il proposé l’analyse et la peinture des caractères? Pourquoi, dans le siècle suivant, s’est-il attaché à l’expression des maximes philosophiques? Pourquoi, dans le siècle présent, après avoir tenté la résurrection du passé sans rien chercher hors de France, a-t-il interrogé tour à tour l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne? Pourquoi enfin, en se dégageant des traditions nationales, en se faisant cosmopolite, n’a-t-il pas réussi à produire des œuvres vivantes? Sans doute chacun de ces problèmes offre à la réflexion un champ laborieux, sans doute il n’est pas facile de les résoudre de manière à se concilier tous les suffrages, à rallier tous les esprits; mais du moins chacun de ces problèmes présente un intérêt que personne ne voudra contester. Lors même qu’on n’arriverait pas à des conclusions d’une évidence irrécusable, on ne peut manquer de rencontrer sur sa route des faits qui seraient demeurés inaperçus, si la discussion n’eût pas été instituée. Dans tous les cas, l’examen de la question ainsi divisée sera plus utile que le compte-rendu hebdomadaire qui représente parmi nous les trois quarts au moins de la critique dramatique.


On a souvent dit que le théâtre français du XVIIe siècle n’était qu’une imitation servile de l’antiquité classique. Je n’ai pas besoin de dire à quel point cette opinion est erronée, mais je suis forcé de reconnaître que cette opinion est généralement accréditée. Ceux qui connaissent l’antiquité, ceux qui ont vécu dans le commerce d’Eschyle et de Sophocle, d’Euripide et d’Aristophane, savent très bien que les tragédies de Racine sont les seuls ouvrages dramatiques de ce temps qui puissent expliquer, sinon autoriser une telle bévue. Quant à Pierre Corneille, quant à Molière, ils n’ont pas grand’chose