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ERJEB-PACHA.

Vous avez raison, et vous faites preuve en cela de sagacité, puisque vous êtes en présence de vos véritables, de vos meilleurs amis.

ADILÉ.

Cela se peut.

ERJEB-PACHA.

En douteriez-vous, Adilé?

ADILÉ, haussant les épaules.

Qu’en sais-je ?

ERJEB-PACHA.

Je ne saurais vous croire aussi ignorante que cela; mais venons au sujet qui m’occupe. (Il prend un air plus solennel encore que de coutume.) Adilé, j’ai reçu ce matin une nouvelle qui vous concerne. (Pause.) Votre sort est fixé, Adilé (autre pause pendant laquelle Erjeb-Pacha considère Adilé avec attention), et c’est un heureux sort, un sort bien digne d’envie!

ADILÉ.

Ah!

ERJEB-PACHA.

Oui, Adilé, un sort brillant et bien digne d’envie, je ne puis assez le répéter. Le successeur du prophète vous admet parmi ses femmes!

ADILÉ.

Ah!

ERJEB-PACHA.

Je me flatte, Adilé, qu’avec l’éducation que vous avez reçue, vous comprenez l’importance de votre position future. C’est à votre ambition que je m’adresse, et c’est elle qui doit se sentir satisfaite de ce premier triomphe, en même temps qu’elle doit viser à en obtenir de plus grands encore. C’est sur vous que les amis de la bonne cause fondent leurs espérances, et cette pensée doit vous élever, vous transporter au-dessus de vous-même. Oui, Adilé, chaque regard que le commandeur des croyans laissera tomber sur vous, chaque faveur qu’il daignera vous accorder sera un événement politique, et amènera peu à peu, mais inévitablement, le triomphe de la bonne cause sur les fauteurs du désordre et de l’impiété. Comprenez-vous maintenant ?

ADILÉ.

Moins que jamais, seigneur.

ERJEB-PACHA, avec condescendance.

Voyons, Adilé ; ne devinez-vous pas pourquoi j’ai travaillé à vous faire admettre dans le harem de mon vénéré maître?

ADILÉ, haussant les épaules.

Non, seigneur.

ERJEB-PACHA.

Votre pénétration naturelle est-elle ainsi en défaut? Vous savez pourtant que je suis exilé de la cour?

ADILÉ.

Oui, seigneur.

ERJEB-PACHA.

Vous savez que cet exil est l’œuvre de mes ennemis, qui ont malheureusement capté la confiance de mon vénéré maître? (Inclination de tête d’Adilé.) Vous