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de vastes mers. En effet, à l’époque de la dispersion des espèces, quand la constitution du globe était différente, les climats l’étaient aussi, car ils sont la conséquence immédiate de cette constitution. Or nous trouvons aux extrémités polaires des deux hémisphères des plantes que la chaleur la plus modérée fait périr rapidement. À l’époque de leur apparition, le climat était donc aussi froid qu’il l’est aujourd’hui ; la distribution des terres et des mers, le relief du sol, causes déterminantes du climat, ne différaient donc pas de l’état actuel, et l’ancienne connexion de grands continens séparés aujourd’hui par l’immensité des mers devient une hypothèse inadmissible. La paléontologie confirme ces inductions : elle nous apprend que les climats ont été par toute la terre plus chauds qu’ils ne le sont actuellement. À la fin de l’époque géologique la plus récente, appelée pliocène par les savans, les éléphans habitaient les environs de Paris, les lions et les tigres le midi de la France. Ce n’est donc pas dans cette période que ces plantes auraient pu s’établir : elle fut suivie, il est vrai, de la période de froid due à l’extension des glaciers qui rayonnaient autour des Alpes, des Pyrénées, des Vosges, et recouvraient toutes les terres polaires. Aussi Edward Forbes considère-t-il l’époque glaciaire comme celle de la dispersion des plantes alpines. Cette opinion, soutenable pour un hémisphère considéré séparément, ne l’est plus quand il s’agit d’expliquer le transport des espèces polaires à travers l’équateur, où la chaleur était la même. Une autre conséquence résulte de l’étude des animaux et des végétaux fossiles, c’est que pendant les périodes géologiques, les climats étaient beaucoup plus uniformes qu’ils ne le sont actuellement. Par conséquent, si des connexions de terres peuvent expliquer la présence de plantes sur des points relativement peu éloignés, je crois que leur existence à l’extrémité des deux hémisphères terrestres ne peut avoir d’autre cause que la multiplicité des centres de création. Tout dans l’étude de la géographie botanique nous ramène à cette idée.

Une dernière question a été soulevée récemment. L’apparition des différentes familles végétales sur le globe a-t-elle été simultanée ou successive ? La terre s’est-elle couverte indifféremment de toutes les espèces qui composent l’ensemble du règne végétal, ou bien cette apparition a-t-elle été lente et progressive ? Il est probable que les familles et les genres se sont produits l’un après l’autre dans un ordre hiérarchique : c’est encore la géologie qui jette quelque lumière sur ces premiers jours de la création actuelle. En effet, comme nous l’avons vu, les cryptogames dominent dans les terrains anciens, puis viennent les conifères et les monocotylédonés ; les terrains les plus modernes nous offrent des dicotylédones polypétales, des végétaux