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de la famille des mauves, des érables, des saules, des chênes, des bouleaux, du myrte et de la rose, mais à peine quelques dicotylédonés gamopétales, par exemple des plantes de l’immense famille des synanthérées, qui compose actuellement un dixième de la végétation du globe : or ces plantes sont celles dont la structure est la plus compliquée. L’ordre hiérarchique que les végétaux enfouis dans le sein de la terre ont suivi dans leur succession a également dû présider à l’apparition des végétaux vivans. Il y a des espèces plus jeunes les unes que les autres ; la création actuelle a continué la création antédiluvienne et se continue peut-être encore : rien ne nous prouve en effet qu’il ne se forme pas continuellement de nouvelles espèces. Lorsque des contrées parfaitement connues et journellement explorées offrent sans cesse, aux yeux des botanistes, des espèces nouvelles, il est permis de dire que celles-ci avaient échappé à leurs devanciers, mais on ne peut pas démontrer qu’elles ne se soient pas récemment formées. Cette opinion a été formulée et appuyée de considérations ingénieuses par M. Henri Lecoq dans sa Géographie botanique du plateau central de la France ; elle mérite toute l’attention des naturalistes philosophes, et la solution d’un tel problème fixerait à jamais leurs idées sur la notion si délicate et si difficile de l’espèce.

La science, comme on le voit, a essayé de soulever un coin du voile qui couvre le mystère imposant de la création actuelle. Grâce à l’astronomie, à la physique du globe, à la géologie et à la paléontologie, on entrevoit dans un lointain obscur, Il travers des milliers de siècles, comment le noyau incandescent de la terre s’est refroidi, puis peuplé d’animaux et de végétaux ; comment des changemens successifs, des révolutions séculaires ont fait disparaître, l’une après l’autre, de nombreuses créations et ébauches imparfaites de la création actuelle. Enfin, sur le globe complètement froid, les terres émergées se couvrent peu à peu d’une végétation plus belle et plus variée que les précédentes ; les créations partielles se succèdent et persistent ; des circonstances semblables amènent l’apparition d’êtres identiques ou analogues, et, lorsque la terre est parée de fleurs et peuplée d’animaux, l’homme apparaît. Son origine, comme celle des autres êtres organisés, se perd dans la nuit des temps ; mais, comme eux, il appartient à la période moderne. Sa suprématie intellectuelle l’élève au-dessus de tout ce qui existe autour de lui, et semble le confirmer dans cette orgueilleuse pensée, que les créations précédentes n’ont eu d’autre but que de préparer son avènement, en rendant la terre digne de recevoir un être capable de comprendre le monde et de le gouverner.


CH. MARTINS.