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L’ART GREC
ET
LA SCULPTURE RÉALISTE


Mon dessein n’est pas d’étudier la nature de la beauté, ni de montrer en quoi consiste le sentiment du beau. Je laisse aux philosophes ces questions difficiles. La tâche que j’entreprends est beaucoup plus modeste. Je veux recueillir mes souvenirs et comparer les ouvrages les plus excellens de la statuaire antique, mutilés ou complets, que j’ai pu contempler à loisir, et dont l’étude attentive forme, à mon avis, les fondemens de toute critique sérieuse. Parmi les débris sculptés de l’ancienne Grèce et de la vieille Italie, tout ne mérite pas une égale attention. Il y a des ouvrages longtemps admirés comme le type de la perfection, et dont la valeur est aujourd’hui contestée pour des motifs très légitimes. Depuis que nous avons sous les yeux les fragmens du Parthénon et la Vénus de Milo, les questions de goût ont changé d’aspect pour ceux qui sont en mesure de comprendre l’autorité de ces précieuses conquêtes. Il n’est plus permis aujourd’hui d’imputer à la Grèce les doctrines étroites enseignées en France et en Europe dans un si grand nombre d’écoles. Il me semble opportun de rendre évident pour la foule ce qui est évident pour les hommes voués à l’examen de ces questions. Parmi ceux qui maudissent la Grèce, et je ne crée pas un fantôme pour me donner le plaisir de le combattre, combien y en a-t-il qui la connaissent, qui sachent discerner une œuvre romaine d’une œuvre grecque ? En pareille matière, les clairvoyans ne sont pas très nombreux.