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13 millions en 1637, 8 millions en 1638, valeurs énormes comparées au chiffre misérable où les affaires des Européens avec le Japon sont tombées de nos jours.

Les premiers ports où les Européens débarquèrent furent Bungo et Férando, mais ils visitèrent successivement d’autres points du territoire ; ils l’étendirent leurs relations commerciales et souvent même formèrent des alliances de famille avec les filles des principaux négocians. Il en résulta une fusion de mœurs et d’idées qui favorisa puissamment la propagation du christianisme. Malheureusement aussi la jalousie et les craintes des prêtres japonais s’éveillèrent ; l’empereur fut assiégé de plaintes qui, longtemps repoussées, mais sans cesse renouvelées, finirent par trouver accueil. En 1586 parut le premier édit qui défendit, sous peine de mort, aux Japonais d’embrasser le christianisme. Les persécutions commencèrent sans atteindre encore cependant les Européens, qui conservaient leurs églises à Miako, centre du pays, et qui continuaient même à appeler de nouveaux missionnaires, dont le zèle et le courage dépassèrent les bornes de la prudence. De jeunes Japonais, initiés au sacerdoce catholique, s’élevèrent avec témérité contre le dernier édit, et prêchèrent ouvertement la désobéissance aux ordres de l’empereur ; les tendances trop évidentes du clergé catholique, l’esprit de fraude qui se révélait en même temps chez les commerçans portugais ne tardèrent pas à provoquer un redoublement de violence dans les persécutions.

L’année 1590 venait de commencer par un de ces événemens qui changent souvent la destinée des peuples. Un homme sans fortune, d’une naissance obscure, s’élevait au pouvoir suprême par la seule puissance de son génie et de son courage. Cet homme, qui occupe encore le premier rang dans l’histoire du Japon, était Taïko-Sama, fils d’un simple artisan ; c’est le fondateur du système politique dans lequel réside la force de l’empire japonais. Les guerres civiles, qui depuis si longtemps désolaient le pays, s’éteignirent peu à peu devant son implacable volonté ; il voulait briser tout ce qui pouvait arrêter ses desseins ou s’opposer à la grande et immuable législation dont il avait résolu de doter son pays. La puissance du christianisme menaçait la sienne. L’audace des nouveaux croyans après les édits de 1586, les excitations à la révolte, l’insurrection, difficilement contenue dans certaines provinces, tout devait éveiller ses craintes. Les édits de 1586 furent renouvelés en 1596, mais cette fois ils s’étendirent jusqu’aux Européens, qui ne tardèrent pas à en ressentir les terribles effets. Les églises furent fermées ou détruites, les chrétiens poursuivis, proscrits et mis à mort. Les persécutions ne s’arrêtèrent plus, et l’année 1597 vit commencer la sanglante lutte qui ne devait finir qu’en 1639 avec l’expulsion définitive des