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Portugais et l’anéantissement complet du christianisme au Japon.

Au milieu de ces terribles complications, en 1600, l’Érasme, navire hollandais, fut jeté par la tempête sur les côtés du Japon, près de Bungo. Quelques marins parvinrent à se sauver ; l’un d’eux, nommé William Adams, Anglais de naissance, fut amené devant l’empereur, dont il se concilia la faveur par son intelligence et ses connaissances en marine. Malgré la bienveillance du monarque, ce fut en vain qu’il sollicita l’admission des Anglais, ses compatriotes, au commerce du Japon ; on lui refusa de même la permission de rentrer dans sa patrie. Un de ses compagnons hollandais, plus heureux, put se sauver en 1605 et faire parvenir des renseignemens sur le Japon à l’amiral hollandais Matelief, qui croisait dans le détroit de Malacca. Ses avis ne furent pas perdus. En 1609, la compagnie Hollandaise des Indes expédia au Japon deux navires, qui abordèrent à Férando. Ils obtinrent aussitôt l’autorisation provisoire de faire le commerce, et, sans perdre de temps, constituèrent une factorerie ; Jacques Spex en fut le chef avec le titre d’opperhoofd. Il demeura au Japon, créa de bons établissemens, fit un premier voyage à la cour, et deux ans après, s’y présentant pour la seconde fois, obtint pour ses compatriotes la charte impériale, scellée et datée du 30 août 1611[1], qui enjoignait à tous les Japonais d’assister de toute manière les Hollandais et d’entretenir avec eux des relations amicales, mais sans rien dire de leur commerce.

Cet acte paraîtrait assez inconciliable avec les édits de 1586 et 1696, si l’on perdait de vue qu’au Japon les lois sont interprétées rigoureusement, il est vrai, mais toujours à la lettre. Ainsi les édits proscrivaient le christianisme et toute démonstration extérieure du culte, mais respectaient encore la liberté de conscience. Les Portugais auraient donc pu conserver une grande partie de leurs avantages commerciaux, si le clergé catholique n’eût sans cesse essayé de se mettre au-dessus des édits qui arrêtaient ses desseins politiques et religieux.

William Adams, toujours gardé par l’empereur et ne pouvant obtenir l’admission des Anglais au commerce du Japon, profita du de part des Hollandais, en 1611, pour adresser une lettre à ses « compatriotes inconnus. » Cette lettre tomba entre les mains d’un capitaine anglais, nommé John Saris, qui se trouvait alors à Bantam, cherchant la trace des Hollandais pour profiter de leurs découvertes. Au mois de juin 1613, John Saris arriva à Férando avec un seul na vire, fut présenté à l’empereur par William Adams, et obtint pour les Anglais l’autorisation d’établir avec le Japon des relations commerciales.

  1. C’est à tort que plusieurs historiens placent ce décret en l’année 1609.