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inférieures d’Israël participent à certains vices dans un degré moindre que les classes abaissées qui les entourent. Parcourez les annales du crime : y trouvez-vous beaucoup de noms d’origine hébraïque ? On peut attribuer cette sorte de supériorité morale au système si parfait de charité qui règne parmi les Juifs, et qui prévient ainsi, en réduisant la misère, les tentations brutales d’où procède le sombre troupeau des crimes. Il faut en même temps reconnaître que les principes de moralité qui forment le fondement du christianisme constituent aussi le fondement de la religion juive. Non-seulement les riches exercent l’assistance envers les malheureux ; mais ce qu’il y a chez eux de caractéristique, c’est la charité du pauvre envers le pauvre. La veille de la pâque, leur grande fête, les portes des plus humbles maisons sont ouvertes : un plat, un couteau, une fourchette, reposent sur la table frugale ; quiconque manque de nourriture et d’un toit pour célébrer cette fête sacrée peut entrer bravement et s’approcher du siège qui lui est réservé. Qu’il soit étranger, qu’importe ? Il est Hébreu, c’est un frère dans le besoin : à ce titre, il sera le bienvenu. Les vertus d’Israël sont surtout des vertus domestiques. Les Hollandais se distinguent, comme on sait, par la vie de famille, par le bonheur et le repos de leur foyer. Sur ce terrain, les Juifs égalent la race batave, si même ils ne la surpassent. Depuis les classes riches jusqu’aux plus indigentes, l’affection, la tendresse, les bons rapports entre les parens et les enfans forment les principaux traits d’un intérieur israélite. Souvent trois et quatre générations successives habitent ensemble sous un toit commun ; on n’entre point sans un sentiment de respect dans ces maisons, qui respirent une sorte de piété antique pour la vieillesse, pour la fécondité, cette bénédiction de la femme. Une race qui emporte avec elle de pays en pays les os de ses pères, c’est-à-dire leurs traditions, leurs exemples, devait honorer par-dessus tout les qualités patriarcales. Content de peu, le Juif se soumet aisément à sa condition, derrière laquelle il adore en silence la main de la Providence divine. L’esprit d’ordre et la tempérance lui tiennent lieu des richesses qu’il ne peut acquérir.

Le cachet de la race est son caractère industrieux ; mais il faut encore distinguer ici les traits qui appartiennent aux deux branches du judaïsme. Les Juifs espagnols et portugais ont établi leur quartier-général à Amsterdam et à La Haye, où ils ont continué de cultiver le commerce, la littérature et les sciences ; les Juifs allemands au contraire, pousses par un esprit d’entreprise et par l’amour du travail, moins scrupuleux peut-être sur les moyens de gagner leur vie, plus impatiens de trouver par eux-mêmes une voie qui les conduisît à l’aisance et à la fortune, se sont répandus dans toutes les Provinces-Unies.