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On les retrouve jusque dans les villages. À l’extrémité de la Hollande septentrionale, il est une île oubliée et comme perdue dans les flots du Zuiderzée : c’est l’île de Wieringen. Eh bien ! là j’ai trouvé une famille israélite[1]. Le temps a d’ailleurs amené dans la situation morale des Juifs allemands établis sur le sol des Pays-Bas des changemens heureux. Partout cette race longtemps abaissée se relève, partout elle profite de la liberté civile et des progrès de la bienveillance publique à son égard pour secouer le linceul de misère, d’ignorance et d’abjection qui l’enveloppait.

Les Israélites hollandais ne se sont point attachés uniquement au commerce. La ville d’Amsterdam est aujourd’hui la seule qui possède de grands ateliers pour la taille du diamant. Cette industrie, qui a eu Gand pour premier théâtre[2], occupe en Hollande un nombre considérable d’ouvriers, et la plupart de ces ouvriers sont juifs. Les efforts tentés dans ces dernières années pour implanter la taille du diamant à Paris et à Londres ont tous échoué. Cette opération exige en effet des études et une habileté toutes particulières. Lorsque les pierres arrivent dans les diamanteries d’Amsterdam, on retient ce qui est propre à être taillé, fendu, haché ; le reste se vend en masse pour faire de petites roses. C’est à Anvers que la rose se fabrique particulièrement. Une grande difficulté du métier consiste à déterminer sur la vue du diamant brut ce qu’il deviendra entre les mains de l’ouvrier. La pierre est alors couverte d’une surface plus ou moins rugueuse qui voile la couleur réelle et la qualité de l’eau. Il existe bien certaines règles, mais il s’en faut de beaucoup que ces règles

  1. L’île de Wieringen était autrefois liée au continent de la Nord-Hollande, dont elle fut séparée par une inondation dans le courant du XIVe siècle. Elle n’est plus aujourd’hui très éloignée de la côte, grâce à des travaux d’endiguement qui ont conquis, depuis trois années, de nouveaux terrains sur la mer. Le sol vert et quelque peu accidenté de l’Ile, la tour, l’église, les bâtimens de la quarantaine, tout cela forme un tableau pittoresque. Les habitans s’occupent surtout d’élever des bestiaux. L’Ile fournit aux Pays-Bas plus de 8,000 kilos de fromage et plus de 17,000 kilos de laine par an. L’agriculture est la principale ressource de ces insulaires ; mais ce n’est point la seule. Ils se livrent à la pêche de l’anguille dans le Zuiderzée. Une autre industrie maritime est devenue dans ces derniers temps une source de produits, c’est la pêche du varech ; Les anciens appelaient le varech la chevelure d’Amphitrite ; les modernes, plus positifs, tondent et recueillent cette chevelure pour différens usages domestiques. Le varech tombé est pêché ; le varech sur pied est fauché dans des terres qui sont la propriété de l’état. Deux cents personnes au moins prennent part à ces travaux, qui commencent au 15 juin et se terminent en septembre. En 1853, on a exporté de l’île 325,000 kilos de varech. L’industrie emploie le varech à remplir les matelas et les coussins, à fermer les trous des bâtimens maritimes, à couvrir les maisons, à fumer les terres. Enfin le varech rend à la Hollande des services tout particuliers : la grande digue de l’Ile de Wieringen doit sa solidité à l’emploi de ce ciment végétal.
  2. On sait que la taille régulière du diamant ne remonte qu’à l’année 1475, et que cette découverte est due à un jeune Brugeois, Louis de Berghem.