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LE
COMTE SPÉRANSKI

I. Dostopamiatnié Ludi rousskoi zemli (Hommes mémorables du pays russe), par M. Bantich-Kaminski ; 3 vol., Saint-Pétersbourg 1847. — II. Les Pèlerins russes à Jérusalem, par Mme la comtesse de Bagréef-Spéranski ; 2 vol. Bruxelles et Leipzig 1855.


La Russie a eu des princes de génie et des diplomates consommés ; a-t-elle eu de grands ministres ? C’est une question qui se présente à l’esprit au moment où la conclusion de la paix ouvre une carrière nouvelle à l’empire des tsars. Depuis que Pierre le Grand a créé la nation russe et lui a légué son ambition, les personnages qui ont continué son rôle se sont préoccupés avant tout des succès de la politique extérieure. L’administration de Catherine II et de Nicolas Ier
n’était guère inspirée que par des pensées de conquête. Alexandre II a manifesté le désir d’inaugurer pour ses états l’ère des travaux de la paix ; ce ne sont plus des conquérans ambitieux ni de subtils diplomates qu’il faut à la Russie, ce sont des ministres réformateurs. Développer l’industrie, défricher les steppes, civiliser les Tartares, tracer des routes, rapprocher les distances, établir une administration vigilante et intègre, tirer de ce vaste pays toutes les ressources qu’il contient, effacer les lois iniques et appeler à la dignité d’homme tant de citoyens déshérités, c’est là une partie du programme que doit se proposer le cabinet de Saint-Pétersbourg. Encore une fois, quelles traditions les serviteurs d’Alexandre II trouveront-ils dans leur histoire ? La Russie a-t-elle eu un Colbert, un Turgot, un Robert Peel ? A-t-elle eu du moins des hommes qui eussent pu aspirer