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à leurs yeux, comme à ceux des Abyssins, est la plus grande preuve de la bravoure militaire. Ce signe de victoire, c’est l’organe de la virilité, et le nombre de ces hideuses dépouilles, conservées avec soin, témoigne de la valeur d’un guerrier et lui mérite des récompenses. Cette fureur est poussée si loin, que l’on voit parfois les Abyssins tuer leurs compatriotes pour se procurer frauduleusement le signe des exploits guerriers. Envers les ennemis, peu importe l’âge ; le vieillard et même l’enfant dans les bras de sa mère ne sont pas épargnés.

Les armes des Gallas sont la lance et le couteau de chasse. Ils commençaient il y a une dizaine d’années, à connaître les armes à feu, mais ils n’en savaient pas encore tirer un bon parti. Habiles à manier la lance et à parer les coups avec le bouclier, ils considèrent comme un jeu le combat à l’arme blanche. Dans leurs guerres, ils se divisent en plusieurs corps et cherchent à envelopper l’ennemi ; leur attaque est impétueuse, mais, une fois repoussés, ils ne savent pas se rallier et s’enfuient en désordre. Le roi de Choa (partie de l’Abyssinie qui confine aux pays gallas), Sahlé-Sallassi, auprès duquel M. Rochet fit, dans trois voyages consécutifs[1], un séjour de quelque durée, était constamment en guerre avec eux ; son but était de les assujettir à une redevance et de les convertir au christianisme. Ce roi, favorisé par les divisions de ses adversaires, a remporté de nombreuses victoires, sans cependant atteindre de grands résultats : les tribus vaincues se retirent devant lui et s’enfoncent plus profondément dans les vastes régions inexplorées qui, de l’Adel, de la côte d’Ajan et de Zanguebar, s’étendent jusqu’à la rive droite du Nil-Blanc.


II. – LE NIL BLANC.

Pour reconnaître et fixer les sources d’un fleuve, il y a un procédé simple et direct qui consiste à en remonter le cours ou à en suivre les bords jusqu’au lieu où il prend naissance ; mais lorsque ce fleuve, semé d’écueils et encombré de bancs de sable, se déroule à travers des contrées marécageuses, insalubres ou inhospitalières, alors le voyageur et le géographe s’efforcent de discerner, au moyen d’une étude attentive de la topographie, l’endroit où les sources peuvent être cachées, et d’aborder le fleuve par sa partie supérieure. C’est de la sorte que les sources et tout le haut cours du Niger ont été livrés à la géographie bien avant qu’on sût dans quel golfe, dans quelle mer ce fleuve avait son embouchure. Cependant ce procédé indirect, est sujet à l’erreur, il peut donner des résultats faux, bien qu’appuyés sur des inductions spécieuses. Ainsi il est aujourd’hui constaté que MM. d’Abbadie, qui avaient tenté de l’appliquer à leurs recherches sur les sources du Nil, ont commis une erreur en prenant pour le cours supérieur de ce fleuve la rivière du pays galla qui porte les noms de Uma, Umi, Umo Ajoutons toutefois que si de plus récentes explorations ont renversé l’hypothèse de ces voyageurs, c’est sans rien ôter au mérite de leurs recherches et de leurs persévérans efforts.

  1. Voyez, sur M. Rochet et ses voyages, la Revue du 1er juillet 1841. M. Rochet est mort en 1854 consul de France Djeddah.