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était-elle ménagère pour son fils ; Mammée est moins belle que les autres princesses de sa famille, mais elle a l’air plus respectable : on découvre sur son visage quelque chose de mational et de maternel. Alexandre Sévère fut aussi dirigé par le célèbre jurisconsulte Ulpien, pour lequel il avait une grande vénération. Cette époque est celle des jurisconsultes, et c’est ce qui explique comment tout ne s’est pas abîmé plus tôt. La notion du droit s’était réfugiée chez eux, mais ils étaient hors d’état de le défendre contre l’omnipotence de la force, et quand Papinien avait gêné Caracalla, Caracalla l’avait fait tuer.

On aime à reporter ses yeux de la figure hébétée d’Héliogabale sur le front candide et le doux visage d’Alexandre Sévère. Sa physionomie respire cette simplicité qu’il fit paraître en toute circonstance, et qui contrastait si heureusement avec le faste insensé d’Héliogabale. On y lit la pureté, la bonté, la droiture de l’âme ; la sévérité dont il donna plusieurs exemples, et qui lui mérita son nom, ne s’y montre point, ce qui fait croire qu’elle n’était pas dans sa nature, mais lui fut inspirée par Mammée ou Ulpien. On retrouve bien plutôt dans cette figure ingénue la faiblesse qu’il montra toujours pour sa mère. Celle-ci a des traits assez mâles, un profil énergique et vraiment romain. C’était en effet une femme d’un caractère résolu. Dans une bataille, elle ranima l’ardeur des troupes qui pliaient. On croit voir l’épouse de Germanicus défendre le passage du Rhin contre les Barbares.

Alexandre n’était pas chrétien, mais le christianisme, déjà très répandu, avait effleuré son âme, et sa mère paraît avoir été chrétienne. Il avait voulu qu’on gravât dans le palais impérial cette maxime : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qui te fût fait à toi-même. » Il avait placé l’image du Christ dans sa chapelle domestique avec celles d’Orphée, d’Abraham et d’Apollonius de Thyane. Le premier il permit l’exercice public du christianisme : christianos esse passus est. Il donna de cette tolérance un exemple célèbre que rappelle un des plus remarquables monumens de la Rome chrétienne, la basilique de Santa-Maria in Trastevere. Dans le quartier au-delà du Tibre, habité surtout par les Juifs, auxquels s’étendit aussi la tolérance d’Alexandre Sévère, se trouvaient des chrétiens, ce qui était naturel, car les chrétiens devaient se recruter beaucoup parmi les Juifs et se confondaient encore avec eux. Une contestation s’étant élevée entre les chrétiens et quelques cabaretiers au sujet de certaines boutiques que ceux-ci réclamaient, et dont les humbles sectateurs de la foi nouvelle avaient fait un lieu d’oraison, Alexandre les adjugea à ces derniers, disant : « Il est préférable qu’elles soient employées à honorer