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bri- est un incontestable bienfait pour ces contrées, il n’est pas moins certain que les Anglais ont usé souvent de terribles moyens pour gouverner ces populations. Les impôts ont été singulièrement accrus, et des rapports officiels, portés à la connaissance de la chambre des lords, ont constaté que l’usage de la torture était universel, comme moyen de perception de ces impôts. Les tortures étaient fort variées ; elles allaient de la privation d’eau et de nourriture jusqu’à l’obligation de rester des jours entiers au milieu de matières infectes, et souvent elles prenaient un caractère tel qu’elles entraînaient la mort. Au reste, pour scruter toutes les causes, sans doute très multiples de cette insurrection, il faudrait étudier cette société tout entière, analyser les ressorts de l’administration anglaise, observer la condition générale des populations et la condition particulière des soldats indigènes dans l’armée des Indes… C’est ce qu’a fait avec une singulière précision de détails M. de Valbezen dans ses études sur les Anglais et l’Inde, études qui ont paru ici, qui sont aujourd’hui recueillies dans un livre, et qui retrouvent un saisissant intérêt. Quoi qu’il en soit, l’œuvre d’un siècle d’efforts se trouve compromise subitement. Le difficile maintenant est de regagner le prestige perdu. Ce n’est pas une tâche au-dessus des forces de l’Angleterre, accoutumée à se mesurer avec de telles épreuves ; mais il faut bien reconnaître l’exceptionnelle, gravité de la crise actuelle, et, même en rétablissant victorieusement son autorité menacée, l’Angleterre ne pourra effacer les incalculables désastres accomplis déjà.

La France, heureusement n’a point pour l’occuper et pour l’émouvoir de si sombres diversions. Aujourd’hui les conseils-généraux réunis tiennent leurs paisibles sessions ; ils émettent des vœux sur des questions d’un ordre tout pratique. Il y a quelques jours, c’étaient des fêtes publiques. La fête de l’empereur a été célébrée comme tous les ans, et elle a eu cette fois cela de remarquable, qu’elle a coïncidé avec l’inauguration du Louvre. C’est là une œuvre désormais accomplie. Toujours projetée et sans cesse retardée, la réunion du Louvre et des Tuileries était une de ces pensées que les gouvernemens se transmettaient. Commencés il y a quelques années seulement, les travaux sont arrivés à leur terme avec une rapidité exceptionnelle. L’empereur lui-même a voulu inaugurer le nouveau monument au milieu de tous ceux qui en ont été les coopérateurs, architectes, statuaires, sculpteurs, simples ouvriers, et dans le discours qu’il a prononcé, il s’est plu à rattacher l’œuvre contemporaine aux œuvres antérieures, comme pour montrer que dans la vie d’un peuple toutes les époques sont solidaires.

Certes, les spectacles de l’activité humaine ne manquent pas ; l’effort est partout dans les œuvres matérielles. Il manquerait bien plutôt une idée génératrice, une inspiration morale, et ce rajeunissement permanent qui révèle l’intensité féconde de la vie intérieure. Une des singularités de notre temps, c’est que, parmi tant de choses presque gigantesques accomplies, au pas de course, on peut se demander si le niveau des esprits et des caractères s’élève ou si par hasard il ne s’abaisserait pas. De là ce problème étrange sur lequel les polémiques, s’exercent, et qui trouve sa place au sein même des académies, comme on l’a vu récemment : sommes-nous réellement en progrès ? Le faste matériel ne cache-t-il au contraire qu’un déclin ? Il y a tou-