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n’a été mis en relief avec plus d’originalité et de force. Qu’importe que certaines figures, certains événemens de l’histoire hébraïque reçoivent de l’étude des textes une atteinte assez grave ? Qu’importent David et Salomon ? À travers les déviations signalées par la critique, le génie monothéiste d’Israël va grandissant toujours. Qu’on l’appelle comme on voudra, révélation, inspiration, il y a là le souffle de Dieu. Je ne crois pas que personne ait suivi ce souffle divin avec plus de sympathie que M. Renan. La sévérité de la science et l’ardeur de l’enthousiasme se développent ensemble dans ces belles pages. M. Renan est si bien associé d’esprit et de cœur à l’œuvre d’Israël, que, dans le conflit des deux idées qui luttent au sein du judaïsme, dans la lutte de l’idée étroitement religieuse et de l’idée plus libérale, plus humaine, il est pour la première contre la seconde, il est pour les prophètes contre les rois, pour les Juifs contre les Samaritains, pour les Macchabées contre le parti helléniste, pour les pharisiens contre les sadducéens. Le devoir d’Israël, selon M. Renan, était de résister à toutes les séductions des peuples profanes, de garder le principe de l’unité de Dieu, dont il avait le dépôt, d’espérer obstinément ce Messie dont il portait la pensée au fond de son cœur, et que ses prophètes, dans la sainte exaltation de l’exil, avaient annoncé en d’immortels cantiques. N’avais-je pas raison de dire que M. Renan, bien loin d’altérer le sens de la tradition juive, l’avait marqué avec plus de force que jamais ? La polémique antichrétienne bafouait ce petit peuple juif auquel on attribuait si étrangement une place immense dans les annales du monde. La critique désintéressée de M. Ernest Renan a prouvé que cette place est immense en effet, qu’Israël a donné à la race indo-européenne des idées religieuses que cette race n’eût peut-être jamais conçues, qu’il a été la tige sur laquelle s’est greffée la foi du genre humain, et qu’enfin cette prophétie de Zacharie s’était vérifiée à la lettre : « En ce temps-là, dix hommes s’attacheront au pan de l’habit d’un Juif en lui disant : Nous irons avec vous, car nous avons entendu dire que le Seigneur est avec vous ! »

L’étude sur les historiens critiques de Jésus ne présente pas, il s’en faut bien, la même précision de pensée, la même sûreté d’appréciation. M. Renan l’a composée dans une période de son développement intellectuel qu’il a bien fait de traverser rapidement. Il ne possédait pas alors ce calme, cette finesse, cet art élégant et magistral qui distinguent aujourd’hui ses travaux, et quoiqu’il en ait modifié bien des pages, on voit trop clairement encore que c’est là une œuvre de sa première manière. Avant d’en venir au fond même du sujet, je ferai tout d’abord quelques reproches à M. Renan sur ce qu’on peut appeler la partie extérieure de son étude. Il me semble