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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/495

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religieux, inspirés, je crois, par l’imitation du Panthéon de Rome, et qui me font penser à Sainte-Geneviève de Paris. Telle est encore, quoique avec de notables différences, la Gran Madre de Dio, qui sert à Turin de point de vue à l’extrémité du pont du Pô. Saint-Charles de Milan est fort supérieur, et somme toute c’est un noble édifice. Pourtant il appartient à un genre qu’on peut admirer par raison, mais qu’il est impossible d’aimer. Par contre, veut-on voir quelque chose d’empreint de cette auguste vétusté qui manque à la cathédrale même, qu’on aille à la basilique de Saint-Ambroise. Elle fut, dit-on, dédiée en l’an 387 à saint Gervais et à saint Protais par le grand évêque à qui elle est consacrée maintenant. Cependant sa disposition actuelle date de la fin du IXe siècle et de l’archevêque Anspert. L’église proprement dite est précédée, suivant un usage des premiers temps, par une cour cloîtrée où s’arrêtaient les catéchumènes. Elle est de ce style lombard ancien qu’on regarde comme la dernière forme de l’architecture romaine; mais, dans sa simplicité, rien ne sent la décadence. Inscriptions, tombeaux, statues, dyptiques, tout porte un cachet d’antiquité et jusqu’à des traces de paganisme. On n’est point obligé de croire que le serpent d’airain qu’on voit sur une colonne soit celui des Hébreux dans le désert, quoique l’archevêque Arnulfe l’ait reçu comme tel, en l’an 1000, d’un empereur de Constantinople, et rien ne prouve qu’un certain tombeau soit celui de Stilicon ; mais aux voûtes de plusieurs chapelles le soleil fait étinceler l’or des mosaïques byzantines. Un siège en marbre, d’un travail un peu rude, était le trône épiscopal de saint Ambroise. Quelques parties de la chaire viennent de celle du haut de laquelle il convertit saint Augustin. Enfin l’on croit que les cadres de fer des portes contiennent encore le bois des battans de celles qu’il ferma noblement à Théodose.

Le souvenir de saint Ambroise, de ce magistrat que le peuple fit évêque par reconnaissance, vit encore dans Milan. Le rit ambrosien y règne encore dans les cérémonies du culte, et ce sera bientôt peut-être la seule exception que la cour de Rome souffrira dans ses prétentions à la monarchie universelle de son bréviaire. Après le nom de saint Ambroise, la piété populaire place peut-être au même rang le nom de saint Charles Borromée.

Le premier de ces noms consacre une des plus célèbres bibliothèques du monde. La bibliothèque ambrosienne est confiée à la garde d’une congrégation ecclésiastique dont le cardinal Maï a été préfet. On sait quels trésors il a trouvés dans les palimpsestes de la collection des manuscrits. De ceux-ci, je ne citerai que l’autographe de Lucrèce Borgia, orné d’une mèche de cheveux blond clair qu’elle envoyait au cardinal Bembo. Dans le musée annexé à la bibliothè-