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vierges de Bellini, puis avec celles de Cinia et d’Andrea del Sarto. Les dates et les écoles ne permettent guère de penser que ces artistes se soient imités entre eux; mais on peut supposer que la pente de leur génie les entraînait vers un certain genre de modèles. Je voudrais que les habiles eussent dit leur mot sur tout cela. La Vierge, ou, si l’on veut, la Madone, qui tient une si grande place dans le christianisme italien, est, si l’on ose ainsi parler, le premier personnage de la peinture italienne. La manière dont chaque artiste le concevait mériterait d’être étudiée. Dois-je ajouter que la Vierge de Raphaël n’est ni celle de Mantegna ni celle de Luini? Peut-être elle-même a-t-elle deux types encore, car il ne me semble pas que la Belle Jardinière ressemble beaucoup à la Madone de Saint-Sixte.

Il resterait beaucoup à dire sur Milan, mais il faut se borner, et je me décidai même à ne pas tout voir. J’ajournai à mon retour ma visite à la chartreuse de Pavie, d’où il est résulté que je ne l’ai point vue, et je pris le chemin de fer de Treviglio, qui, sauf une lacune de deux heures en omnibus, vous amène à Brescia.


IV.

La nuit était close à notre arrivée; la ville, obscure et silencieuse. Elle semblait inanimée, et les galeries assez basses qui longent les rues semblaient destinées moins à préserver les passans du soleil qu’à faciliter les mauvais coups de l’Italie du moyen âge. Le lendemain, au jour, j’eus meilleure idée de la ville de Brescia, quoiqu’il n’y faille pas chercher beaucoup de mouvement et d’activité. Il n’y manque pas de belles maisons construites sur le plan que j’ai essayé d’expliquer en parlant de Turin. Les peintures du fond des cours sont parfois des trompe-l’œil exécutés avec un certain talent, et qui feraient honneur à des décors d’opéra. Quelques-unes de ces maisons contiennent de précieux objets d’art : telle est celle que le comte Tosi a léguée à la ville, et qu’on a conservée avec tout son ameublement, comme si elle allait être habitée demain. Des ouvrages de Canova, de Thorwaldsen, de Bartolini, des tableaux remarquables, du moins pour le cabinet d’un amateur (je ne parle que des tableaux anciens), parent ce Museo civico, où, parmi des saintes Familles dignes d’être vues et des Vierges à comparer entre elles, on montre une Pietà de la jeunesse de Raphaël. C’est plutôt un Ecce Homo, tout au plus de demi-grandeur, et que le cadre coupe un peu au-dessous de la ceinture. La peinture est très fine, le corps est étudié dans le clair avec une perfection un peu flamande; le style est encore celui du Pérugin. La tête, parfaitement exécutée, n’est point conforme au type adopté plus tard pour la représentation