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câble de l’Atlantique, on a donc avec raison supprimé ce rail en fer, et on l’a remplacé par une immense poulie, fortement fixée à l’arrière, un peu en dehors du navire : le câble tourne une dernière fois autour d’elle avant de plonger dans les flots. Les tambours autour desquels le câble s’enroule en passant sur le pont portaient des sillons profonds en acier, où s’engageaient régulièrement les tours, qui ne pouvaient ainsi s’enchevêtrer malgré la rapidité du mouvement. Il y avait quatre tambours pareils, dont les mouvemens étaient solidaires et réglés par la manœuvre du frein. Il eût, je crois, été préférable de laisser les tambours indépendans les uns des autres et de leur appliquer des freins séparés; on eût diminué ainsi ce qu’on pouvait appeler la rigidité de l’appareil, condition avantageuse pour graduer convenablement la tension du câble et pour l’empêcher de devenir trop considérable.

Les deux navires furent munis de tout ce que la prudence la plus scrupuleuse pouvait croire nécessaire; on y accumula un véritable matériel de construction et de réparation, des appareils électriques de tout genre. En supposant qu’une partie du câble eût perdu la faculté de conduire l’électricité, on devait en être averti immédiatement par l’arrêt d’une sonnette que le courant tiendrait constamment en mouvement. Aussitôt on aurait serré les freins pour arrêter la descente, mis en quelque sorte le navire à l’ancre sur l’immense corde qui l’attachait au fond de la mer, relevé graduellement la partie immergée à l’aide d’une machine à vapeur; puis, le tronçon en défaut une fois découvert, on aurait coupé la portion privée d’électricité et ressoudé les deux extrémités saines. Dans le cas où une de ces tempêtes soudaines, qui sont malheureusement si communes dans cette partie de l’Atlantique, serait venue mettre l’opération en danger, on projetait de couper le câble, d’attacher le bout de la partie immergée à un puissant câble de réserve, préparé à cet effet, qu’on eût laissé rapidement descendre à la mer. On devait fixer de fortes bouées à l’extrémité, afin qu’elle flottât à la surface de l’Océan. Pendant que les fureurs de la tempête se seraient épuisées sur ce câble de secours, les navires auraient couru librement sous le vent; le calme revenu, on aurait recherché les bouées, remonté le câble de secours et repris l’opération régulière.

L’époque choisie pour l’immersion rendait ces dernières précautions à peu près inutiles : le lieutenant Maury, qui a fait une étude approfondie de la météorologie de l’Océan-Atlantique, avait indiqué comme la période la plus propice au succès de l’entreprise la fin du mois de juin et le commencement du mois d’août. C’est à ce moment qu’on a le moins à craindre les tempêtes, les brouillards et les glaces flottantes, qui à d’autres époques de l’année rendent si dangereuse la route de l’Irlande à Terre-Neuve. Malheureusement à ces latitudes