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descen- le câble avec une vitesse beaucoup plus forte que celle du navire, plutôt que de tout compromettre en opposant trop de résistance au déroulement. Au point de vue de l’économie et de la transmission des dépêches, il y a sans doute un inconvénient manifeste à augmenter la longueur de la corde immergée; mais l’admirable conductibilité des fils au fond de la mer semble permettre de faire ce sacrifice à la sécurité de l’opération. Ce qui reste du câble atlantique recevra peut-être une autre destination que celle qu’on lui réservait primitivement. Une compagnie formée en vue d’établir une communication électrique entre l’Angleterre et l’Inde a offert de l’acheter, avec le concours de la compagnie des Indes. On pourrait établir en trois mois un télégraphe terrestre le long de la côte de l’Arabie, entre Suez et Aden. De cette ville partirait le câble sous-marin qui irait aboutir à Kurachee, principal port du Scinde, situé près de l’embouchure de l’Indus, à 120 kilomètres seulement d’Hyderabad. La distance entre Aden et Kurachee est de 2,500 kilomètres, et ce qui reste du câble atlantique serait amplement suffisant pour joindre ces deux villes. Dans la Méditerranée, Malte et la Sicile sont au moment d’être réunies. Si l’on posait ensuite, comme il en est question, un câble entre Malte et Alexandrie, une ligne télégraphique continue unirait l’Angleterre à l’Inde, en traversant presque les trois quarts d’un hémisphère terrestre, et l’on saurait au bout de vingt-quatre heures à Londres ce qui se passe aux bouches de l’Indus et du Gange. On estime qu’il faudrait 7,500,000 fr. pour relier Suez à Aden, 16 millions pour poser un câble sous-marin entre Aden et Kurachee : que sont d’aussi faibles sommes en regard des avantages que présenterait à l’Angleterre l’établissement d’une ligne qui lui permettrait de surveiller heure par heure ce vaste empire, dont la conservation importe autant à sa grandeur qu’à l’avenir de la civilisation dans l’Orient? Quand on songe que la révolte de l’Inde a éclaté le 10 mai dernier, et qu’on n’a pu en connaître l’importance et les dangers qu’au mois de juillet, on déplore qu’un temps si précieux ait été perdu, et que des mesures rapides n’aient pu modérer une explosion qui menace aujourd’hui de rendre nécessaire une nouvelle conquête, et force l’Angleterre à recommencer l’œuvre sanglante des Clive et des Warren Hastings.

L’extension de la télégraphie sous-marine aurait donc pour effet de consolider la suprématie des nations civilisées dans le monde. Tel serait l’avantage politique de ce nouveau moyen de communication. Au point de vue commercial, il est à peine nécessaire d’en faire ressortir les heureux résultats. Quand on connaîtra à chaque instant l’état des marchés les plus lointains, les besoins de tous les peuples et des colonies les plus éloignées, le commerce pourra remplir avec plus de méthode et de sécurité sa bienfaisante mission. L’éta-