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blissement d’une ligne télégraphique entre l’Angleterre et l’Amérique, en même temps qu’elle multiplierait les relations entre l’ancien et le Nouveau-Monde, porterait, sans aucun doute, un coup fatal à cette fièvre de spéculation dont les ravages n’ont été nulle part aussi terribles que dans les grandes cités commerciales des États-Unis. Pour le comprendre, il faut se rappeler que les capitaux anglais et américains sont partout engagés dans une foule d’entreprises communes, et que le contre-coup des crises qui affectent les marchés de l’Angleterre est ressenti vivement de l’autre côté de l’Atlantique : cette dépendance est aggravée par l’interruption forcée des nouvelles qui n’arrivent que par intervalles. La spéculation les commente et profite de ces périodes d’attente; la substitution des bateaux à vapeur aux vaisseaux à voiles a déjà entravé ces opérations, auxquelles le hasard seul sert de base, et qui deviendront encore plus difficiles quand le télégraphe atlantique fera connaître chaque jour à New-York la situation de Londres et les nouvelles de l’Europe.

De tels résultats font aisément comprendre quel avenir est réservé à la télégraphie sous-marine. Dans la Méditerranée, il n’est pas douteux que, d’ici à une époque assez rapprochée, plusieurs lignes rattacheront l’Europe à l’Afrique et à l’Asie. M. Newall et M. Bonelli ont fait une nouvelle tentative pour relier l’Afrique à la Sardaigne, et elle n’a échoué que parce que M. Newall avait construit une longueur insuffisante de câble. Il avait espéré, en faisant remorquer rapidement le navire qui en était chargé par des bateaux à vapeur, que le câble, au lieu de s’échouer sur les inégalités du lit de la mer, se tendrait d’une montagne sous-marine à l’autre, comme un pont suspendu. Cet espoir fut déjoué, et le câble était épuisé quand on arriva à 16 kilomètres du cap Teulada. M. Newall arma l’extrémité du câble d’anneaux en fer, afin de le repêcher plus tard avec des grapins. Il en a déjà retiré d’autres de cette manière, et notamment le câble de la Mer-Noire. On espère que l’opération va être reprise, et on ne peut guère douter que cette fois l’habile ingénieur anglais ne complète son œuvre, un moment interrompue. Malte sera aussi, on l’a vu, reliée dans un très court délai à la Sicile, et bientôt après au port d’Alexandrie; plus tard sans doute Alexandrie sera unie à Constantinople. L’archipel grec semble tout préparé pour joindre Smyrne à la Grèce, qui a elle-même intérêt à communiquer directement avec les Iles-Ioniennes et l’Italie. Le fond de l’Atlantique ne sera jamais sillonné par des fils télégraphiques aussi nombreux que ceux qui traverseront le bassin de la Méditerranée, aux côtes profondément découpées, et semé de si nombreuses îles. Les difficultés que nous avons cherché à luire apprécier s’opposeront à ce qu’on multiplie les lignes océaniques, et l’on sera toujours gêné par la nécessité