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d’une lieue. La route de Herenthals à Diest n’ôte en rien au pays son caractère de solitude et de recueillement, et il faut suivre pendant trois quarts d’heure un embranchement dans le désert pour arriver à Gheel. Que par ces moyens de communication l’abord du chef-lieu soit devenu plus facile, c’est un avantage pour les familles, et ce n’est pas un dommage pour les aliénés, que récréent au contraire les inoffensives distractions de l’arrivée et du départ de la diligence.

Au lieu de pousser à la suppression de Gheel par d’injustes critiques, combien il serait plus sage d’aider à y introduire les réformes indiquées par l’expérience ! Elles sont peu nombreuses, trois à peine : une infirmerie qui réponde aux accidens graves et imprévus, comme l’état actuel répond aux situations ordinaires ; une diversion plus énergique à l’inertie et à l’oisiveté de ceux des aliénés qui, faute d’habitudes antérieures, répugnent au travail manuel ; un niveau plus élevé de comfortable pour les malades qui en ont l’habitude et peuvent en payer la dépense. Avec ces trois améliorations, qui ne dépassent ni les bons désirs ni la puissance d’une administration, Gheel verrait ses bienfaits à l’abri de toute critique. Nous ne parlons pas de son existence : elle est si profondément enracinée, que, la colonie fût-elle supprimée par mesure officielle, le lendemain elle renaîtrait. La dévotion à sainte Dymphne la ressusciterait spontanément, et les habitans de Gheel, frappés dans leur fortune, menacés de ruine, la ranimeraient de tous leurs efforts. Que l’on se garde bien d’ailleurs de réserver Gheel pour les incurables, ainsi qu’on l’a proposé : il faudrait au contraire y envoyer les malades dès les premiers troubles de la raison. L’action d’un milieu salutaire, en devenant plus immédiate, ne pourrait qu’être plus efficace.

Si l’on reconnaît les avantages du système de liberté, avec le travail et la vie au grand air, dont Gheel est l’application la plus complète qui existe, on est amené à rechercher s’il ne serait pas possible de créer, soit en Belgique, soit ailleurs, des instituts pareils, qui seraient des imitations et comme des succursales médicales de la colonie-mère. La question est du plus haut intérêt, car si le système est bon, il convient de l’introduire partout, et Gheel suffit à peine à un cinquième des aliénés de la Belgique seule. Dans la Campine, où les conditions matérielles sont à peu près les mêmes qu’à Gheel, où l’exemple de cette localité est partout connu, une fondation pareille ne semble pas impossible. Habitans et médecins consentiraient probablement à émigrer au dehors de la commune pour y réaliser le même bien de la même manière. À l’appui de cette idée, un plan de colonies agricoles a été proposé : elles consisteraient