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était un homme supérieur à ses opinions, et qui n’appartenait que très secondairement à la république, qui appartenait avant tout au pays. Pour tous, c’était un homme d’un caractère intègre, d’un esprit sévère et droit, et ces qualités chez lui rehaussaient encore la valeur du soldat. C’est là justement ce qui lui avait attiré l’estime et ce qui fait de sa mort prématurée une perte pour le pays.

Ce n’est que par de tels faits qu’on se sent ramené parfois vers la politique telle qu’elle existait il y a dix ans. À un autre point de vue, la politique n’est-elle pas tout entière aujourd’hui dans les choses matérielles, dans ce mouvement d’intérêts où l’on distingue par instans de si singulières et de si profondes crises ? M. le ministre des finances, sans doute pour répondre à une préoccupation publique, vient de mettre au jour un rapport à l’empereur qui tend à exposer la situation financière de la France, telle qu’elle ressort de l’état du budget, de la dette flottante et de la dette consolidée. Or que résulte-t-il des informations du gouvernement ? D’après ces données, l’année 1854 serait la dernière dont le budget aurait été en déficit. Les découverts accumulés jusqu’à ce moment s’élèveraient à 886 millions. Les dépenses ordinaires et extraordinaires des années 1855, 1856 et 1857 seraient facilement couvertes par le produit des emprunts, le progrès incessant des revenus indirects et l’acquittement anticipé des contributions directes. En prenant pour point de départ cette situation et diverses mesures législatives récemment adoptées, on pourrait arriver à ramener la dette flottante au chiffre de 750 millions et à rétablir au moins une partie du fonds d’amortissement, détourné de sa destination depuis nombre d’années et consacré aux dépenses générales de l’état. Enfin le budget de 1859, même en admettant une augmentation de traitement en faveur des fonctionnaires peu rétribués, pourrait être établi dans des conditions d’un équilibre véritable. Ce tableau est fort rassurant sans doute, et le gouvernement tiendra vraisemblablement à faire de cet équilibre une réalité. M. le ministre des finances ne peut néanmoins se dissimuler qu’il n’y ait aujourd’hui une situation difficile pour toute une partie de la fortune du pays, pour les valeurs industrielles, les titres et les fonds publics. C’est qu’en effet il règne en ce moment une crise qu’on peut considérer, comme générale, qui a commencé principalement aux États-Unis, et qui a son retentissement en France comme en Angleterre : les banques de Londres et de Paris viennent d’élever le taux de leurs escomptes à 8 et 7 1/2 pour 100 ; mais c’est surtout aux États-Unis que cette crise sévit dans toute son intensité. Les faillites se succèdent, les banques suspendent leurs paiemens en espèces. Or à quoi tient cette situation ? Elle tient à la multiplicité des entreprises, à l’excès des spéculations, à l’émission exagérée de toute sorte de titres. Il vient un jour où la liquidation est inévitable et où la vérité éclate. Alors on voit à nu les désordres de ce mouvement matériel qui est la véritable plaie de ce temps-ci.

La curiosité est l’âme de toutes les recherches de l’esprit. Le jour où elle s’éveille chez l’homme, celui-ci regarde autour de lui, et il s’interroge sur sa propre nature, sur ce qu’il voit, sur ce qu’il entend. Il cherche à pénétrer le secret de ce monde qui le presse de toutes parts, dont il est le roi capricieux et souvent impuissant. Rien n’est indifférent, car