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L’auteur de ce singulier document, découvert par feu le cardinal Mai, s’appelait Zacharia ; il commence ainsi : « Ceci est une brève histoire des beautés de la ville de Rome ; l’abondance de toutes choses et la tranquillité sont grandes. » On voit que dans Rome, plusieurs fois prise, on vivait tranquille, fermant les yeux au péril et refusant d’y croire. L’auteur continue : « Les délices et les comforts, commoditates, sont merveilleux et tels qu’il convient à cette admirable ville. Et d’abord la richesse des ornemens : je ne parle pas de ceux qui sont dans l’intérieur des maisons, comme les colonnes des portiques, de leur élégance, de leur hauteur. » Ne croirait-on pas lire une description de Rome sous Auguste ? « Il y a trois cent vingt-quatre rues larges et spacieuses, deux capitoles, » celui du mont Tarpéien et le capitole Sabin, sur le mont Quirinal ; « quatre-vingts grandes statues d’or (dorées) des dieux, soixante-six statues d’ivoire des dieux. » Les chrétiens avaient donc épargné cent quarante-six statues des dieux, et les Barbares quatre-vingts statues dorées. Aujourd’hui il n’existe plus qu’une statue de dieu qui soit dorée, celle d’Hercule, et pas une statue d’ivoire. « Quarante-six mille six cent trois maisons, dix-sept mille quatre-vingt-dix-sept palais, treize mille cinquante-deux fontaines. » On voit que le nombre des palais et surtout des fontaines dans la Rome actuelle est petit, comparé à celui des palais et des fontaines de la Rome du VIe siècle. « Trois mille sept cent quatre-vingt-cinq statues de bronze des empereurs et des autres généraux, vingt-deux grands chevaux en bronze (statues équestres) ; » aujourd’hui une seule subsiste, celle de Marc-Aurèle. « Deux colosses, deux colonnes à spirales, » la colonne de Trajan et la colonne Antonine, encore debout ; « trente et un théâtres et onze amphithéâtres, » plus que nous n’en connaissons par le témoignage des anciens ; « neuf mille vingt-six bains. » Quand je suis arrivé à Rome en 1824, cette ville ne possédait qu’un établissement de bains, et dans cet établissement il n’y avait qu’une baignoire. Voici maintenant ce qui concerne les besoins de la population : « Deux cent soixante-quatorze boulangers qui fournissent le pain aux habitans, sans compter ceux qui circulent dans la ville en le vendant ; cinq mille fosses communes, où l’on enfouit les cadavres, » entassés exactement comme de nos jours dans les campi santi ; « deux mille trois cents boutiques de parfumeurs » : cela suppose de singulières habitudes de luxe et de mollesse à cette époque ; « deux mille quatre-vingt-onze prisons : » on avait fait sous les empereurs bien du chemin depuis les deux cachots de la prison Mamertine.

N’est-il pas étonnant de se représenter Rome encore si magnifique par ses monumens après qu’Alaric et Genséric y avaient passé ? Et que ne donnerait pas un antiquaire pour vivre une journée dans cette Rome envahie plusieurs fois par les Barbares ? Ce témoignage si