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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/383

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salaires. Quant aux manufacturiers des deux villes, ils louent le travail comme ils l’entendent, aux conditions en harmonie avec leur situation spéciale, et sans qu’il leur soit possible, à moins de s’exposer à une ruine prochaine, de se déterminer par ce qui se fait ailleurs.

En même temps que ces principes désorganisateurs de toute industrie, et qui s’attaquaient au capital dans sa liberté, étaient manifestement et hardiment promulgués, les meneurs combinaient entre eux d’autres arrangemens, mais qu’ils tenaient secrets, car à ce début de la querelle ils semblèrent avoir honte de leurs excitations au désordre. Ils jetaient les bases de ce qu’ils appelaient le nouveau code des fabriques, code destiné à régir les rapports des ouvriers avec leurs maîtres, et d’après lequel l’autorité de ces derniers serait passée entre les mains de leurs employés. L’existence de ces règlemens, d’une nature particulière, fut bientôt révélée par des faits graves et nombreux, et plus tard attestée par les témoignages des ouvriers cités devant les magistrats. Ces réformes portaient, entre autres dispositions, que si un fabricant renvoyait un de ses ouvriers pour quelque cause que ce fût, tous quitteraient la manufacture, et n’y rentreraient qu’autant que leur camarade expulsé y rentrerait avec eux. En plus d’une circonstance, il se forma des sortes de tribunaux auxquels le fabricant n’était pas appelé, et où l’on discutait les motifs de plainte qui l’avaient fait sévir contre tel ou tel de ses employés. Quand on les trouvait insuffisans, ce qui arrivait d’ordinaire, on statuait qu’il lui serait enjoint de reprendre l’ouvrier, sous peine de voir le travail cesser chez lui et son établissement mis hors la loi (c’était la sanction de l’arrêt). Il serait trop long du reste de relater tous les actes d’indiscipline qui s’ensuivirent : nous nous bornerons à en mentionner quelques-uns.

Un manufacturier chez lequel les salaires se payaient aux taux les plus élevés, et qui, refusant de faire cause commune avec ses confrères, n’avait pas, comme eux, fermé ses ateliers et renvoyé ses ouvriers, se vit contraint lui-même de suivre à la fin cet exemple, et les motifs de sa détermination sont restés consignés dans une déclaration qu’il a rendue publique. « Mes ouvriers, dit-il, ont fait voir un tel esprit de prépotence sur moi, ils se sont livrés à une telle insubordination, que mon autorité dans ma fabrique a été annihilée. J’avais besoin de certains ouvriers pour un travail, je le leur ai commandé, et ils ont refusé de le faire. Un jour que je voyais mes ouvriers, par groupes de cinq ou six, occupés dans chaque salle à lire des imprimés ; qui contenaient les comptes-rendus financiers de la grève de Stockport, je leur adressai des remontrances ; mais ils me répondirent que si cela ne me convenait pas, je pouvais leur donner congé. Et comme la chose se passait devant des enfans et de jeunes