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pour continuer notre campagne. Perdant rarement la côte de vue, nous laissâmes successivement tomber l’ancre devant les différens comptoirs anglais, hollandais, danois, portugais, qui se trouvaient sur notre route. Des pirogues chargées de fruits, de volailles et d’oiseaux venaient sans cesse à bord échanger leur cargaison contre de vieilles hardes, des bouteilles vides, du tabac ou des pipes. Nous pûmes ainsi remplir à peu de frais nos cages, et nous assurer pour quelque temps une nourriture plus saine et plus abondante. À Acra surtout, situé à vingt-cinq lieues environ à l’est du fort d’El-Mina, dans cette baie où les Anglais possédaient le fort James, les Hollandais le fort de Crève-Cœur, les Danois Christianborg, on se montra si empressé aux échanges, que plusieurs poules étaient offertes pour un objet de la plus mince valeur. Le nombre des perroquets gris à queue rouge, des perruches-moineaux à tête écarlate, s’accroissait tous les jours à bord, et cette cohue babillarde, qui semblait avoir pris possession de l’entre-pont et de la batterie, ne contribuait pas peu à donner à notre frégate une parfaite ressemblance avec l’arche de Noé. Nous atteignîmes enfin dans les premiers jours de juillet le golfe de Bénin, et nous jetâmes l’ancre devant Whydah, entre l’embouchure de la Volta, distante de Whydah d’une vingtaine de lieues, et les rivières qui viennent se décharger à travers de vastes marécages à Lagos. Whydah était le terme de l’exploration qui nous avait été prescrite. Pendant les vingt-trois jours que nous passâmes à ce triste mouillage, la mer fut toujours grosse et la barre tellement forte, que les premières pirogues qui tentèrent de la franchir firent gribou, c’est-à-dire furent renversées de l’avant à l’arrière : chavirer est un accident plus commun, qui consiste à verser sur le côté. Le premier pilote de la frégate, qui s’était embarqué dans une de ces pirogues, eut la cuisse cassée. Cet exemple nous fit sentir la nécessité d’attendre un temps plus propice pour descendre à terre, et ce ne fut que le huitième jour après notre arrivée que nous pûmes communiquer avec l’établissement français de Whydah, situé à un mille et demi du rivage. Débarqués sains et saufs sur la plage, nous pûmes d’abord à faire près d’un quart de mille dans un sable mouvant ; puis il nous fallut traverser à gué la lagune avant d’arriver à notre comptoir, séparé par une portée de fusil à peine des comptoirs appartenant aux Anglais et aux Portugais. Le pavillon de ces deux puissances y flottait, ainsi que le nôtre, sous la protection ou plutôt sous la tutelle du roi de Dahomey, dont les états, fort étendus déjà, s’augmentaient chaque jour de nouvelles conquêtes. La traite des nègres était la branche la plus lucrative du commerce que faisait ce prince avec les Européens ; la poudre d’or, l’ivoire et la cire ne donnaient lieu qu’à d’insignifians échanges, tandis que la vente