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portée trop dangereuse pour être accueillie : elle ne fut pas même relevée, et nous continuâmes à occuper les forteresses de l’Oder. Du reste, le roi tint parole, et, par ses ordres, 5 ou 6,000 hommes d’infanterie furent réunis à Graudentz, sous les ordres du général Bulow, pour être de là dirigés sur le Niémen et rejoindre le corps du général York.

Le soin de convaincre l’empereur que les sentimens du roi n’étaient point changés fut laissé à M. de Hardenberg, qui s’en acquitta avec une vivacité de langage pleine de sympathie. « L’alliance française, disait-il, n’était pas seulement une garantie de sécurité et d’existence pour la monarchie ; elle seule pouvait l’aider à recouvrer dans les affaires du monde une position que ses malheurs et ses fautes lui avaient fait perdre. Qu’il nous soit permis d’espérer qu’à la paix générale l’empereur Napoléon donnera à la Prusse une grande existence politique. » Un jour, plus chaleureux encore que de coutume, il dit à notre envoyé : « Dans le cas où l’empereur Napoléon reconnaîtrait l’impossibilité de reconstruire en état indépendant l’ancienne Pologne, il pourrait peut-être concevoir le dessein de faire le roi de Prusse roi de Pologne. Les côtes et les territoires de la Prusse et de la Pologne présenteraient ainsi une masse compacte qui deviendrait une barrière formidable contre les envahissemens de la puissance russe. »

Ainsi, du côté de la Prusse, Napoléon avait lieu d’être satisfait, et il devait être complètement rassuré ; la parole de Frédéric-Guillaume lui répondait de la fidélité de ce prince à l’alliance qui l’unissait à notre politique.

La nouvelle de nos désastres produisit sur les peuples de l’Autriche la même impression que sur ceux de la Prusse. Pour les uns comme pour les autres, l’empereur Napoléon n’était pas un allié, mais un maître ; tous se réjouirent de ses malheurs, parce qu’ils y virent le prélude du prochain affranchissement de l’Allemagne. Le premier mouvement de l’opinion à Vienne fut de briser une alliance abhorrée. Les plus hauts personnages de la cour représentèrent à l’empereur François que l’occasion était belle pour recouvrer les provinces perdues dans les dernières guerres, que les Russes s’avançaient non en ennemis, mais en libérateurs, que la France, lasse elle-même de sacrifier ses trésors et son sang aux fantaisies d’un conquérant ambitieux, ne demandait qu’à rentrer sous les lois de ses maîtres légitimes, qu’il fallait donc, sans perdre un moment, mettre les troupes sur le pied de guerre, appeler aux armes tous les peuples allemands et marcher sur le Rhin.

Lord Walpole parut bientôt à Vienne, se concerta avec les chefs du parti russe, et fit savoir à l’empereur que, s’il consentait à séparer sa cause de celle de la France, l’Angleterre lui garantirait la