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rope un noble spectacle. La fortune a beau briser toutes leurs espérances, confondre toutes leurs prophéties, se rire, de son rire le plus cruel, de toute leur constance et de tous leurs efforts : rien ne les trouble, rien ne les émeut, rien ne les abat. L’Italie dans leurs ouvrages, plus grande, comme l’homme de Pascal, que ce qui la tue, semble renouveler, dans ses malheurs et dans ses déceptions même, on ne sait quelle inépuisable source de fierté et de confiance. Ces lourds rochers de la domination étrangère et du despotisme domestique qui écrasent la péninsule ont beau, chaque fois qu’on les soulève, retomber plus durement sur elle ; imperturbables, les publicistes italiens s’acharnent, à peine retombés, à les soulever encore : milice invincible, quoique toujours vaincue, car elle ne se rend jamais.

L’attitude de cette milice est surtout remarquable depuis les désastreux événemens qui ont suivi, il y a sept ans, la dernière levée de boucliers de la péninsule. On se rappelle en quelles circonstances vraiment uniques dans l’histoire, non-seulement de l’Italie, mais de l’Europe, cette levée de boucliers eut lieu. Depuis 1815, pas un jour en quelque sorte ne s’était écoulé où les efforts des partis et les fautes des gouvernemens n’eussent préparé la renaissance de la nationalité et de la liberté italiennes. L’avènement au saint-siège, en juin 1846, d’un pape qui à l’âme d’un saint parut d’abord aux populations joindre le génie d’un réformateur, avait semblé encore un acquiescement donné par le ciel même aux vœux des Italiens. Le mouvement libéral inauguré par Pie IX s’était en un moment communiqué au reste des états de la péninsule. Tous les gouvernemens de ces états, cédant à l’ascendant de l’exemple et à la pression de l’opinion, octroyaient successivement des chartes constitutionnelles à leurs sujets. Tout à coup, et au plus fort de l’enthousiasme de cette ère réformatrice, une révolution formidable éclate à Paris, et de Paris en moins d’un mois gagne l’Allemagne et l’Autriche. Tous les liens qui jusqu’alors avaient rattaché ensemble les vingt nations que réunit la monarchie autrichienne se rompent ; la Bohême et la Hongrie se soulèvent ; des insurrections nationales éclatent et triomphent à Milan et à Venise ; la cour de Vienne, réduite à quitter sa capitale, trouve à peine un asile à Olmütz. Le roi de Sardaigne, saisissant une occasion qui avait été le rêve de toute sa vie, réunit son armée, passe le Tessin, et, aux acclamations de tout l’Occident, arrive presque sans coup férir sur le Mincio. Qui n’eût cru que l’Italie allait enfin sortir de là victorieuse, indépendante et libre ? Tout le monde, y compris l’Autriche elle-même, un moment le pensa ; mais on sait le reste, et comment, les vices séculaires de l’esprit et du caractère italien se réveillant et se mettant de la partie, ces magnifiques espé-