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vent toujours l’Italie. Que voulaient en effet guelfes et gibelins ? Eux aussi, l’unité de l’Italie ; seulement ils la voulaient déjà par des moyens diamétralement opposés. Sacrifiant tout à leur haine de l’étranger, à leur goût ou plutôt à leur passion pour la vie municipale, les guelfes voulaient faire de la péninsule une confédération de villes libres présidée par le pape : ils voyaient dans ce système le salut des deux grandes conquêtes de leur siècle, les libertés communales et l’unité catholique. Les gibelins à l’opposé, pleins de la double idée de séparer à tout prix l’autorité du sacerdoce et celle de l’empire, ou, comme nous dirions aujourd’hui, les droits de l’état de ceux de l’église, et de faire également, coûte que coûte, de leur patrie une puissance homogène, — les gibelins voulaient en donner le sceptre à un seul prince, à un prince laïque, et comme ils n’en voyaient pas alors en Italie qui fût capable de porter une telle couronne, ils l’offrirent à l’empereur d’Allemagne. La guerre s’alluma ; mais, le destin voulant que l’une des deux factions ne fût pas assez forte pour débarrasser l’Italie de l’autre, la malheureuse contrée retomba, par le fait même de la rivalité des partis, qui cependant l’un et l’autre ne rêvaient que son unité, dans une division pire peut-être que celle qui avait suivi les premières invasions des Barbares. C’est ainsi qu’au XIIIe siècle on vit, dans la seule Lombardie, Milan, Brescia et Mantoue se déclarer contre Frédéric Barberousse, tandis que Crémone et Bergame armaient en sa faveur. Deux cents ans plus tard enfin, il n’était plus question, il est vrai, de gibelins ni de guelfes ; mais l’Italie, présentant le spectacle qu’elle n’a cessé d’offrir depuis, était livrée ici à la domination étrangère, là à quelque despotisme domestique, partout à une fureur de divisions intestines paraissant quelque chose de si indigène à cette contrée, qu’on ne sait en vérité aujourd’hui s’il faut se représenter les gibelins et les guelfes comme en ayant été les auteurs ou les victimes.

Quoi qu’il en soit, et pour en venir enfin à l’Italie contemporaine, guelfes et gibelins, il faut en convenir avec l’abbé Gioberti, y ont laissé une postérité de factions dont jadis les Buondelmonte et les Uberti eux-mêmes, quand ils se disputaient le plus violemment Florence, auraient, tout remuans qu’ils fussent, été émerveillés. L’abbé Gioberti n’évalue pas à moins de six les partis principaux qui, pendant que la domination étrangère et le despotisme indigène continuent à se partager à peu près le territoire, divisent toute la population, à savoir : les absolutistes, qui se distinguent en absolutistes laïques et en absolutistes ecclésiastiques, et les libéraux, qui se séparent en unitaires et en fédéralistes, puis en constitutionnels et radicaux, de manière que lorsqu’on rencontre aujourd’hui un patriote italien, on se trouve en présence d’un homme appartenant à l’un de ces