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fres ronds à 240,000 tonneaux; les importations atteignaient une valeur de 26 millions de roupies, et les exportations une valeur de 38 millions. La valeur des transactions entre le port de Bombay et la seule métropole, de moins de 4 millions de roupies en 1814-15, suit une période progressive continue; elle est représentée en 1853-54 par une valeur de plus de 57 millions de roupies! En présence de ces résultats, l’on peut affirmer en toute assurance que l’importance des belles conquêtes dont le génie de Clive et de Warren Hastings a doté l’Angleterre ne s’est révélée que le jour où des réformes habiles ont ouvert un champ libre à la spéculation privée dans les domaines de l’honorable compagnie. Cette dernière corporation, au reste, a largement bénéficié des réformes commencées en 1814 et terminées victorieusement en 1834. En effet, tant que le territoire des trois présidences fut enveloppé dans les restrictions du monopole, la compagnie n’emprunta qu’à des taux élevés. Avant 1810, le gouvernement de l’Inde ne put jamais effectuer d’emprunt au-dessous de 8 pour 100. Depuis les premières mesures qui en 1814 battirent en brèche la charte primitive, des emprunts publics furent placés à 6, 5, et même 4 pour 100. Il est donc permis de dire que si l’abolition du monopole n’avait pas fait affluer dans l’Inde les capitaux privés et porté le commerce du pays à un degré de prospérité inconnu jusque-là, la cour des directeurs n’aurait pu faire face aux dépenses énormes des guerres qu’elle a dû soutenir pendant ces quarante dernières années. Le gouvernement n’ayant plus d’ailleurs à se préoccuper d’intérêts commerciaux, la sollicitude de ses agens a pu s’étendre sur des intérêts dont ils s’étaient fort peu préoccupés jusqu’alors, tels que les ouvrages d’irrigation, de première importance en ces contrées brûlantes, et surtout les voies de communication, si négligées pendant les cinquante premières années de l’occupation anglaise, qu’en 1825 on ne possédait pas 20 milles continus de route carrossable dans tout le Bengale.

Ce n’est pas toutefois sans de rudes épreuves que l’on est parvenu à donner ce glorieux essor aux transactions entre l’Inde et la métropole. Avant d’arriver à ces résultats, les chefs-lieux commerciaux des trois présidences ont eu bien des crises à traverser. Sous l’influence de la législation primitive, des restrictions apportées à la résidence des Européens et des sujets anglais eux-mêmes dans les domaines de la compagnie, on vit se former des associations financières auxquelles le gouvernement concéda une sorte de sous-monopole du commerce du pays, et qui arrivèrent bientôt à un degré de prospérité qui leur valut le nom collectif de merchants-princes. Pendant près de cinquante ans, une sorte de patronage bienveillant s’établit entre le gouvernement et les directeurs de ces entreprises colossales.