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Française, en 1832, et fut suspendu le lendemain, bien moins par l’initiative du gouvernement de Louis-Philippe que par les protestations énergiques du public. Alors comme aujourd’hui, le drame de M. Hugo fut la cause d’un procès devant le tribunal de commerce, où le poète parut en personne et prononça un discours pour réclamer la liberté indéfinie de la fantaisie. Dès cette époque, M. Hugo faisait partie de l’école géométrique de M. Émile de Girardin.

Libéra nos, Domine, à malo.

L’arrangeur du libretto italien, M. Piave, ne s’est pas mis en grands frais d’invention. Il a pris tout simplement les principales situations de l’œuvre du poète français, qu’il a distribuées en quatre actes, en se tenant aussi près que possible du texte original. François Ier est devenu un duc de Mantoue quelconque, Triboulet s’est transformé en Rigoletto, et sa fille Blanche a pris le nom de Gilda. Il n’y manque rien, pas même le personnage équivoque de Saltabadil, sous le nom de Sparafuccile, et sa digne sœur Maguelonne, qui s’appelle Maddalena. L’opéra italien commence et finit absolument comme le drame français.

Il n’y a pas d’ouverture à Rigoletto, pas plus qu’au Trovatore. Ces sortes de hors-d’œuvre ne sont plus accessibles à l’école moderne. Après un prélude symphonique de quelques mesures, le rideau se lève sur une scène de bal qui a lieu dans le palais du prince. Le duc, entouré de toutes les beautés de sa cour, exprime, comme don Juan, le plaisir qu’il trouve à courir de belle en belle dans une ballade légère qui ne manque pas d’agrément :

Questao quella. Per me pari sono.

La situation où se trouve le duc de, Mantoue ressemble tellement à celle du premier finale de Don Juan de Mozart, que M. Verdi en a copié le délicieux menuetto. C’est tout ce qu’on peut signaler dans cette introduction, où abondent les unissons et les contrastes heurtés du mélodrame. Le second acte représente la plage déserte où se trouve la petite maison de Rigoletto, c’est-à-dire la scène du second acte du Roi s’amuse, dans le recoin le plus désert du cul-de-sac Buci. Rigoletto, sous le coup de la malédiction que lui a lancée M. de Saint-Vallier, rencontre Sparafuccile qui lui fait ses offres de service ; il en résulte un duo pour basse et baryton, où M. Verdi a visé à la profondeur et n’a produit que de la confusion ; on y remarque un accompagnement de violoncelle qui est un souvenir de Meyerbeer. Le duo qui vient après, entre Rigoletto et Gilda, sa fille, est beaucoup plus heureux. La phrase de l’andante en la bémol que chante Rigoletto :

Deh ! non parlar al misero Del suo perduto bene,

est touchante et appartient bien à M. Verdi, car on la trouve déjà dans Nabucco. L’ensemble de l’andante est trop tourmenté, surtout pour le soprano, qui est presque toujours juché dans les notes élevées, où Mme Frezzolini a de la peine à se maintenir. Le second mouvement de ce même duo,

Donna questo flore Che a te poro confidai,